Bruno Latour – Aout 2017
(Profil de sa page publique FB)
Avec «Où atterrir», paru en 2017, puis «Où suis-je ?», paru en 2021, Bruno Latour a atteint auprès d’un large public une notoriété jusque-là restreinte à un bien plus petit cercle. Il est pourtant un des philosophes les plus suivis aujourd’hui et sa double carrière, en France et dans de nombreuses collaborations étrangères, n’y est sans doute pas pour rien.
Ne nous méprenons pas: le style d’écriture qu’il donne à voir dans les deux ouvrages cités et ses récentes interventions dans les médias pourraient le faire apparaître comme un (simple) essayiste. Il est beaucoup plus que cela. Derrière chacune de ces interventions se trouvent de solides travaux et une impressionnante carrière, tant en raison de la diversité des thèmes abordés que par l’ambitieuse cohérence qui la fonde. C’est ce dont entend rendre compte cette note de présentation.
Pour l’essentiel, elle se base sur l’ouvrage de Gérard de Vries : «Bruno Latour. Une introduction.» (1) Toutefois, il ne s’agit pas à proprement parlé d’un résumé de cet ouvrage : le fil conducteur consiste en autre chose. Il est guidé par le souci de rendre manifestes les soubassements empiriques et les constructions théoriques qui fondent les propositions qui sont les siennes ces dernières années et essentiellement depuis la publication de «Face à Gaïa», on y reviendra. Décrire les territoires, comme il en a entamé le travail avec le «collectif où atterrir» (2), identifier nos dépendances et nos «attachements», sans a priori, c’est-à-dire notamment en incluant les non-humains, examiner comment nous pouvons nous organiser pour les défendre et contre quoi, tout cela a bien sûr une visée politique. Mais il importe aussi de bien percevoir commet cela s’adosse à une structure théorique riche et solide, qui vise à nous permettre de nous préparer à vivre dans le nouveau régime climatique et préserver l’habitabilité de la Terre, pas moins. Cela vaut la peine de s’en informer.
Bruno Latour est un singulier philosophe, sa formation initiale. Egalement formé en anthropologie, ses premiers travaux se déroulent en Afrique et en Californie et portent sur l’observation de scientifiques et d’ingénieurs au travail. On y voit déjà quelques-uns de ses futurs thèmes de prédilection : une ethnosociologie de la fabrication des connaissances scientifiques, autant que les rapports science et société. C’est un philosophe empiriste. La méthodologie ethnographique qu’il mobilise lui permet ensuite de poser des questions d’ordre philosophique et d’élaborer des concepts originaux, à même de guider des pratiques novatrices. Son point de départ (autant que d’arrivée) est donc une observation et une description fine et non un questionnement théorique qui se situe et se légitimise au niveau conceptuel.
Un de ses premiers ouvrages qui ont fait date est «La vie de laboratoire» (3), qui fut alors tenu comme particulièrement illustratif des «social studies of science» et conçu en ayant recours à l’ethno-méthodologie.(4) Il s’en distanciera plus tard pour développer, notamment avec Michel Callon (5), un courant original nommé «Théorie de l’acteur-réseau» ou encore «Sociologie de la traduction» (6) et qui se caractérise par la prise en compte des humains et des non-humains, dont les relations constituent des collectifs et qui entretiennent entre eux des médiations nécessitant des traductions, ce qui est la trame du social. Cette conception assume des positions théoriques radicales, que Latour a entrepris de présenter dans cet ouvrage : «Changer de société, refaire de la sociologie». (7) On retiendra notamment la notion de controverse, qui permet d’insister sur la construction des faits qui s’y déroule, processus progressif au cours duquel les faits se stabilisent peu à peu.
Singulier philosophe, il l’est aussi par la diversité des objets sur lesquels ont porté ses travaux. Ne prenons que quelques exemples, sans volonté d’exhaustivité : les microbes, l’actualité de la Modernité, le droit, la ville, les formulations de la question écologique, etc. Ne nous y trompons pas, cette diversité apparente d’objets d’étude a permis l’élaboration d’un ensemble de propositions théoriques stimulantes. On va en présenter ici quelques-unes, en lien avec cet enjeu : nous préparer au nouveau régime climatique.
Après une carrière universitaire en France, aux Etats-Unis et de nombreuses collaborations internationales, Bruno Latour, aujourd’hui à l’éméritat, il a été commissaire d’expositions (8) et reste attaché au programme expérimental arts.
Dans «Nous n’avons jamais été modernes» (9), il entreprend de dresser un héritage des Modernes, et spécifiquement la distinction Nature/Culture. Les Modernes se considèrent comme des hommes libres, sans détermination, face à une nature qui est à connaître et à maîtriser. Lorsque l’on tient cette distinction pour évidente, on ne considère pas que l’on touche à la société lorsqu’on touche à la nature. Un scientifique qui manipule le génome humain ne peut le faire que s’il croit en l’existence d’une séparation entre la science, la politique, la société. Et cette conception produit à des aberrations comme le nucléaire, le sang contaminé ou le trou dans la couche d’ozone, pour ne prendre que quelques exemples. Selon Claude Levi-Strauss, pour le formuler de façon très courte, la «pensée sauvage» (10) confond culture et nature. Pourtant, nous ne cessons d’être confrontés à des « hybrides » qui intriquent techniques, sciences et société. S’opposant donc à l’anthropologie structurale, Latour voit dans ces confrontations l’exigence d’un tournant paradigmatique pour les sciences sociales, qu’il propose de nommer «anthropologie symétrique» (11). Il s’agit d’entendre par là la contrainte de recherche qui consiste à étudier avec les mêmes instruments les conditions de la production des connaissances scientifiques et des savoirs empiriques, non scientifiques, des idées vraies autant que des idées fausses. Sans quoi on retomberait dans l’asymétrie prévalant jusque-là et qui consiste à expliquer la fausseté des idées en les reliant aux conditions historiques, culturelles sociologiques… de leur production, tandis que leur véracité serait corrélée à un abord rationnellement maîtrisé de la nature. Nature/Culture, à nouveau.(12)
Latour n’est pas très tendre avec la sociologie et les sociologues qui, selon lui, confondent deux ordres d’objets d’étude. A son estime, la sociologie
…mélange deux significations totalement différentes du ‘’social’’ : d’un côté, elle utilise le terme pour rendre compte d’un processus consistant à assembler un collectif, de l’autre, elle désigne le résultat de ces processus conçus comme ingrédients d’un domaine spécifique, distinct de la nature et des esprits individuels. (13)
S’il n’est guère tendre, il est peut-être même quelque peu injuste. D’une part, il semble balayer des travaux qui font état de solides renouvellements des cadres conceptuels de la discipline, depuis Emile Durkheim et Max Weber, d’autre part, il semble aussi ne contester qu’à la sociologie de droit de se déterminer son objet d’étude et (enfin) il néglige ce dont rend compte le concept complexe d’émergence, qui souligne que la compréhension d’un système complexe exige de ne pas se limiter à la seule exploration de ses composants.
Ne nous égarons pas en polémiques et soyons de bon compte : comme d’autres sciences humaines, la sociologie a sans doute délaissé les non-humains et les artefacts, pour rendre compte de l’ordre social et de ces évolutions. Or, ces objets sont partout dans la vie des humains et il s’agit donc de les intégrer dans les efforts de compréhension de nos sociétés. C’est ce point de vue qui est développé dans «Changer de société, refaire de la sociologie, introduction à la théorie de l’acteur-réseau». (14) Latour propose rien moins qu’une nouvelle discipline. Il entend par là :
… une science sociale distincte. Elle se veut une technique singulière qui, pour redécrire le monde social, se donne pour tâche de suivre les associations d’humains et de non-humains qui compose un ‘’collectif’’. (15)
Présentons donc quelques repères propres à cette approche et qui la spécifie.
Une première partie de ce livre identifie cinq sources d’incertitude, constitutives de cette conception. Inconfortables, sans doute, elles sont toutefois nécessaires pour l’enquêteur qui se rattache à cette approche et avance à pied sur des petites routes plutôt que sur l’autoroute de théories déjà balisées. Comme Latour le précise :
…la sociologie de l’acteur-réseau prétend être mieux en mesure de trouver l’ordre après avoir laissé les acteurs déployer toute la gamme des controverses dans lesquelles ils se trouvent plongés. (16)
La première source d’incertitude, objet du premier chapitre, est intitulée : «Pas de groupes, mais des regroupements» (17). Il ne s’agit pas de déterminer a priori les limites d’un groupe, mais d’entendre ce que les acteurs –et singulièrement ses porte-parole– ont à en dire. Il s’agit d’apprendre d’eux les associations et les distinctions auxquelles ils procèdent, ces frontières font l’objet d’un incessant travail de construction.
Les agrégats sociaux ne devraient pas être déterminés en ayant recours à des définitions qui semblent aller de soi pour l’enquêteur, mais au contraire être déterminées par celles, performatives, que les acteurs fournissent eux-mêmes. (18)
La deuxième source d’incertitude porte sur l’action elle-même. Ainsi qu’il l’affirme, «Un acteur n’agit pas : on le fait agir.» (19) Nous pouvons largement l’expérimenter : l’acteur étant nécessairement toujours relié, son action semble ne pas lui appartenir, dans la mesure où tout une série indéfinie d’acteurs, humains et non-humains, se mettent à agir eux aussi.
C’est précisément sur quoi porte la troisième source d’incertitude : les objets aussi participent à l’action. Comment les identifier ? Latour propose cette question, à se poser à propos de tout agent : «…introduit-il ou non une différence dans le déroulement de l’action d’un autre agent ?» (20)
Quatrième source d’incertitude : les faits eux-mêmes et les controverses auxquelles donnent lieu leurs établissements. S’il est des faits avérés, il en est d’autres qui sont «disputés».
La cartographie des controverses scientifiques portant sur les faits disputés devrait nous permettre de renouveler de fond en comble la scène même de l’empirisme ‒ et par conséquent la délimitation du ‘’naturel’’ et du ‘’social’’. Un monde naturel composé de faits discutés ne ressemble pas à un monde fait de faits indiscutables,…(21)
Et ce sont de ces disputes elles-mêmes que se constitue le social.
Et puis, comme s’il n’y avait pas déjà suffisamment d’incertitudes à prendre en compte, Latour ajoute une cinquième source d’incertitude, qui concerne cette fois la démarche d’analyse elle-même et plus particulièrement la rédaction des comptes rendus, qui se doivent d’être «risqués». Il entend par là la restitution des objections et des objecteurs, qu’il s’agit précisément d’articuler et établissant donc des relations. «…un bon compte rendu est un compte rendu qui trace un réseau», (22) qui restitue «la capacité de chaque acteur à faire faire des choses inattendues aux autres acteurs.» (23) Une manière d’y arriver est de tenir un journal, qui enregistre les mouvements du chercheur, y compris dans la rédaction elle-même. Par narcissisme épistémique ? Non, «mais parce que désormais, tout fait partie des données.» (24)
La seconde partie de ce livre est intitulée : «Comment retracer des associations ?» Cette partie adopte un ton résolument polémique à l’égard de la sociologie «installée». (25) On va se limiter ici à présenter les arguments de base, en soulignant ceux qui se sont traduits dans des propositions politiques et procédurales, au sein de «Où atterrir ?» et de «Où suis-je ?».
«Le monde social est plat», affirme-t-il, pour inviter à ne pas trop vite décoller vers des explications «méta-» qui fourniraient un trop facile contexte explicatif, trop abstrait tant qu’il n’est pas incarné par des exemples d’interactions locales et vécues. Le niveau «macro» n’a guère d’existence en dehors des sites locaux où de telles structures sont élaborées. Prendre la mesure de cette affirmation nécessite trois mouvements.
En premier lieu : «Localiser le global». Et pour cela, il faut s’astreindre à décrire, de proche en proche, les interactions reliées entre elles, par lesquelles des entités s’influencent. Il s’agit d’établir:
les connexions continues qui mènent d’une interaction locale jusqu’aux lieux, aux moments et aux actants par l’intermédiaire desquels un site local donné a été mis en action. (26)
Pour le formuler encore autrement et mieux en saisir la portée:
Le macro n’est ’’au-dessus’’ ni ’’en dessous’’ des interactions : il vient s’ajouter à elles comme une autre connexion, qui les alimente et qui s’en nourrit. (27)
Deuxième mouvement : Redistribuer le local. Si le premier mouvement revient à « relocaliser le global », il importe tout autant de procéder au mouvement symétrique. En effet :
Comment le local lui-même est-il engendré ? Cette fois, ce n’est plus le global qui doit être localisé, c’est le local qui doit être re-dispatché et redistribué. (28)
On va chercher ici, non à dénoncer les liens qui emprisonnent l’acteur et le détermine de l’extérieur, mais au contraire à identifier ses attachements. (29)
Et ces attachements ne sont pas là pour emprisonner l’acteur dans un corset de conventions, mais au contraire lui donner autant de moyens d’être acteur, schématisé en une étoile, connecté à d’autres. Dans un tel réseau, un acteur est «Ce qui est ‘’amené à agir’’; ce dont le ‘’déclenchement déclenche l’action’’ (*)» (30)
Troisième mouvement : Connecter les sites. Tout cela est finalement très cohérent. Après avoir ramené le global en des sites localisés, après avoir ensuite décrit chacun d’eux «… en terminus d’autres sites, distribués dans le temps et dans l’espace…», (31) un effort à toutefois faire simultanément, il s’agit maintenant d’explorer la manière dont ils sont connectés entre eux, via des conduits dont il importe de rendre compte. A l’image du termite (32), qui progresse lentement mais sûrement en construisant patiemment un tunnel dans lequel elle peut avancer avec sûreté, Latour invite les sociologues qui veulent adopter l’approche de l’acteur-réseau de s’assurer de la traçabilité des liens que leurs recherches empiriques mettent au jour.
En conclusion, Latour en appelle donc à un renouveau (une refondation) de la pensée sociologique. C’est moins spécifiquement notre objet. Par contre, il souligne l’intérêt, pour la sociologie et pour tout qui, finalement, se préoccupe rien moins que de l’avenir de nos sociétés, de guider nos réflexions sur base d’une série de questions-guides : comment des entités, apparemment non sociales, peuvent-elles tracer des liens dont les réseaux peuvent progressivement constituer un monde commun, ou, pour reprendre l’appellation de Latour, un collectif, veillant à nous laisser intriguer par des compositions inédites.
C’est donc assez logiquement que le livre se termine par un appel : revisiter également le politique. Quelles formes politiques peuvent nous permettre de répondre à cette question : des nouveaux prétendants ne cessant de frapper à la porte de ce collectif en permanente recomposition. Peut-on cohabiter avec eux dans un monde commun ? Quelles modalités adéquates permettent de répondre à cette question ?
Au nombre des critiques auxquelles «Changer de société. Refaire de la sociologie» a pu donner lieu, il y a celle de ne pas assez illustrer son propos par des exemples concrets. C’est alors le lieu de présenter sommairement un ambitieux projet, nommé : «Enquêtes sur les modes d’existence». (33) Ambitieux, parce que ce «rapport» intermédiaire restitue les résultats d’une enquête qui s’est étalée sur près de 25 ans. Ambitieux aussi, par la plateforme collaborative qui prolonge ce projet, hébergé par le «Medialab» à Science Po.
Si «Nous n’avons jamais été modernes», comme Latour l’a affirmé, alors comment rendre compte de ce qui nous est arrivé et particulièrement des enchevêtrements de plus en plus inextricables entre humains et non-humains, quand le projet des Modernes était précisément celui d’une autonomisation d’avec la Nature ? Quels outils nous permettraient alors un diagnostic pertinent et qui fasse le bon départ entre les valeurs et fondements des Modernes, sans pour autant assumer le clivage qui était dessiné, d’une part entre «nous, les modernes» et les autres peuples et d’autre part entre les humains et la «Nature» ? Tel est le programme qu’il se donne, cherchant à ainsi établir une anthropologie comparée des Modernes.
Pour cela, il met en scène une anthropologue de fiction, dont Latour entreprend d’enrichir la boîte à outils méthodologique. Au nombre de ces outils, il y a ce que Latour nomme des « irréductions ». Il entend par là, comme principe fondateur de l’acteur-réseau, le fait qu’il n’existe pas de « choses en elles-mêmes » mais qu’elles sont toujours associées, reliées à d’autres, s’entre-définissant, selon les contextes qui les mettent en rapport.
Prenons un exemple. Après Darwin, on a considéré qu’
une espèce est une population d’individus séparée d’autres populations par une discontinuité sur le plan de la reproduction. La pérennité d’une espèce dépend de la manière dont les individus de cette population réussissent à se reproduire. Sans procréation suffisante, une espèce disparaîtra. Les conséquences de ce changement conceptuel sont immenses. (34)
Pour tirer de cela des applications plus opérationnelles, Latour propose à son anthropologue fictive de distinguer, d’une part l’être-en-tant-qu’être, qui recherche son assise dans une substance (son essence, pour parler comme le font des philosophes) et d’autre part les être-en-tant-qu’autres, qui ne peuvent subsister qu’au prix d’épreuves qu’il leur fait affronter. Pour subsister en effet, les êtres-en-tant-qu’autres doivent entrer en relation avec d’autres êtres-en-tant-qu’autres, ce qui constitue pour eux autant d’épreuves à affronter. Ce faisant, l’anthropologue fictive est invitée à se démarquer de tout essentialisme, pour se préoccuper davantage d’existence plutôt que d’essence. Dès lors qu’on se préoccupe de la possibilité de modes d’existence, on va pouvoir les contraster entre eux et être attentif, par exemple, aux formes d’éloquence qui sont propres à chacun d’eux ou encore aux conditions de félicité et d’infélicité qui les caractérisent. (35) Aussi, chacun de ces modes d’existence devrait pouvoir être examiné de manière à en préserver la valeur et les contraster, plutôt que les mettre en concurrence quant à leurs capacités à apporter des réponses aux problèmes contemporains.
Aux questions sociales qui ont marqué les XIXème et XXème siècles viennent s’ajouter des questions «environnementales» d’une portée sans précédent, si bien que les qualifier d’environnementales est déjà une composante du problème, puisque cette appellation même semble les tenir, certes comme un défi à affronter pour la société et la politique mais un défi situé à l’extérieur d’elles. Or, c’est cette séparation elle-même qui est une conception problématique, avec laquelle il faut faire rupture. Selon cette conception héritée des Modernes :
La ‘’nature’’ est censée être le réceptacle passif de toutes les activités humaines, réserve pour la recherche scientifique, l’exploitation économique, ou même dépotoir ayant seulement besoin d’être nettoyé de toute urgence». (36)
Ce que Latour propose de nommer le «nouveau régime climatique» nécessite, pour le comprendre et être à la hauteur des enjeux, de nous débarrasser de la distinction Nature/Culture et de réfléchir/agir à partir de tous autres principes. Les inextricables relations entre humains et non-humains, ce dont rend compte le terme d’anthropocène, nécessite d’embrasser tous ces liens dans nos efforts de compréhension.
Tout comme le terme d’anthropocène, les rapports du GIEC nous renvoient à cette urgente nécessité de concevoir autrement la relation entre humains et la Terre, entendue comme zone habitable à la surface du globe terrestre, en nous engageant dans une veste négociation planétaire. Selon l’hypothèse Gaïa, (37) ce sont les organismes vivants qui régulent l’atmosphère terrestre, rendant par-là la vie possible pour d’autres qu’eux. Dans une telle conception, les organismes vivants et leur environnement matériel son couplés comme un système auto-régulé.
Latour va réinterpréter la proposition de Lovelock, en indiquant qu’il confond deux niveaux : celui des phénomènes physico-chimiques qui sont en jeu dans la production et l’absorption d’oxygène et de dioxyde de carbone et celui d’un super-organisme, un méta-régulateur qui serait Gaïa. Selon lui, il n’est pas nécessaire d’avoir recours à une telle autorité primordiale surplombante : il s’agit davantage de l’appréhender comment collectif pluriel.
Ainsi le synthétise Gérard de Vries :
Avec William James, il conçoit le monde comme un ‘’plurivers’’ et non comme un univers. (…) La pluralité appelle le conflit. Et c’est pour éviter le conflit que nous avons tendance à faire appel à une autorité reconnue unanimement. Ce peut-être Dieu ou des divinités, le Souverain de Hobbes, la Raison kantienne, la Main invisible d’Adam Smith ou encore la Nature des écologistes. (…) …la Nature aussi ne parle pas d’une seule voix. Ses porte-parole, les scientifiques, débattent et hésitent. (..) Il faut prendre conscience de la nature totalement conflictuelle du problème posé par le changement climatique. Inutile de lever les yeux au ciel pour espérer une entité globale nous mettra d’accord ; c’est en bas qu’il nous faut regarder, vers l’unique Terre que nous habitons avec beaucoup d’autres êtres. (38)
Philosophe empiriste, Latour ne nous surprend donc pas en se préoccupant des implications opérationnelles des considérations précédentes. Par contre, dans l’art consommé qui est de sien de nous emmener sur des chemins de traverse, il nous invite, ici aussi, à reconsidérer radicalement nos habitudes de pensée et d’action.
Cherchant à «faire rentrer» la nature dans le champ politique, une écologie politique quelque peu distraite a ainsi assumé cette part de l’héritage des Modernes, la distinction Nature-Culture, (40) alors que cette distinction elle-même est à refuser. Quand on voit des gouvernements et des scientifiques prendre des mesures pour limiter le changement climatique, on perçoit bien qu’au contraire, loin d’être distinguées, nature, science et politique collaborent dans les faits. Il importe de le percevoir. Quoi de mieux, alors que de décrire ce qui se fait, de donner à cela un nom et une forme. Ce sera la proposition d’un « parlement des choses ». Attention, il n’entend pas par-là la mise en place d’une nouvelle institution : il soutient davantage la nécessité de reconnaître ce qui se fait déjà et qu’il propose de nommer, à la suite d’Isabelle Stengers, «Cosmopolitiques». (41) Ce sont là pour lui autant de pratiques destinées à permettre un monde commun. (42)
Humains et non-humains ont tissés d’inextricables liens, que seuls séparent des concepts « modernes » auxquels nous avons généralement recours pour les penser. Mais si, au contraire, nous considérons que les associations constituées d’humains et de non-humains peuvent constituer un monde commun, il faut alors rechercher les moyens adéquats de représenter cela publiquement.
Dans le style coloré qu’il adopte bien souvent, Latour propose cette image :
A tout moment, quelque chose peut arriver à/devant le collectif. (…) Encore et toujours, de nouvelles entités frappent à sa porte (…), demandant (voire réclamant sans autre choix) d’être intégrées. Le candidat peut être un virus, une nouvelle technologie, des immigrants qui ont risqué leur vie pour traverser la Méditerranée (…) Dans tous les cas, le collectif se voit confronté à deux questions. En premier lieu : comment bien prendre en compte cette proposition du candidat ? Deuxièmement : pouvons-nous vivre ensemble ? La première question exige que la proposition soit articulée de manière adéquate. La seconde exige une réflexion sur la manière dont le candidat pourrait s’accorder au collectif. (43).
Dans ce souci de traduction opérationnelle qui le caractérise, Latour formule alors des exigences, qui sont mises en regard de ces deux questions. Sur base de la présentation qu’en fait Gérard de Vries, il est possible de composer le tableau suivant (44)
Les principes de perplexité et d’institution renvoient à l’ordre des «faits», tandis que les principes de consultation et de hiérarchie sont de l’ordre des «valeurs». L’être et le devoir-être en quelque sorte. Quelle en est la traduction politique ? Dans la constitution moderne, les faits
sont traités dans la «chambre» de la nature (la science), tandis que les valeurs sont traitées dans la «chambre» de la société (politique, culture). A son estime, il faudrait aujourd’hui un autre bicaméralisme. Un autre tableau permet d’en rendre compte. (45)
Depuis «La vie de laboratoire», on sait l’intérêt de Latour pour la science et plus précisément, non pour les contenus scientifiques stabilisés mais davantage pour les conditions dans lesquelles la science se pratique et les connaissances scientifiques s’élaborent. Ce qui nécessite l’établissement et la régulation du multiples relations (Un laboratoire est forcément fait de relations sociales, de stratégies individuelles, de rapports entre scientifiques et techniciens, de poursuites de financement public et privé, de fournisseurs d’équipements, de relations avec d’autres laboratoires, etc.). C’est alors le terme de «recherche» qui s’avère le plus adéquat, dans la mesure où il connote l’incertitude, le travail obstiné et les relations qu’il est nécessaire de tisser, les connexions variables qui s’étendent au cours du processus de recherche. Pour le dire autrement: la science se nourrit de ce qui a d’abord été de la recherche.
Il devient alors plus facile de connecter la politique et la recherche. En effet,
Elles partagent la même incertitude, la même nécessité du risque et des paris ; elles sont soumises aux mêmes contraintes pratiques de définir des épreuves et d’en gérer les dérives, par compromis et négociation. (46)
Plutôt que d’affirmer la nécessité et l’effectivité d’une séparation nette, essentielle, entre d’une part le monde autonome de la production de connaissance (science) et d’autre part celui de la production des normes (politique), il est :
(…) préférable de discuter des compétences et des instruments que les scientifiques, les hommes politiques et beaucoup d’autres ont apportés au cours du processus cosmopolitique, autrement dit de se concentrer sur le genre de traductions qu’ils ont été capables d’opérer. (47)
On voit comment cette manière de considérer la politique prend en charge bien plus de choses qu’on ne le fait en philosophie politique traditionnelle, selon laquelle il s’agit (seulement) d’arbitrer entre intérêts et valeurs contradictoires des êtres et des groupes humains. On n’en finirait de tenter d’énumérer tout ce qui, dans l’approche que défend Latour, se trouve ainsi exclu du champ politique traditionnellement défini: les océans, les espèces en voie d’extinction, les mouches disparues de nos pare-brise, les générations de futurs vivants, les bactéries, les algorithmes de l’économie financière, l’ozone, le dioxyde de carbone…
Abstraitement définie, la question politique nouvelle devient la suivante: peut-on transformer en minorité les exclus de la science, de la politique et de l’administration? Il y a une grande différence entre les exclus et la minorité à l’intérieur d’une enceinte quelconque de parole. Les exclus sont absents. La minorité est mise en minorité par des opérations de vote, de négociation ou par des rapports de forces qui sont assignables et formalisés. (…) L’avantage énorme d’une minorité c’est qu’elle peut, par croissance, conviction, renversement d’alliances, redevenir une majorité. Mais les exclus, quant à eux, ont toujours tort. (48)
Latour y insiste plus d’une fois : des pratiques effectives d’une telle cosmopolitique ont déjà lieu, mais nous ne les lisons pas ainsi. Les nommer comme telles permettraient au contraire d’amplifier ces pratiques en menant à leurs termes toutes leurs implications. Il s’agit alors d’une véritable diplomatie cosmopolitique. Dans les cénacles où se discutent la gestion des perspectives catastrophiques du changement climatique, c’est donc de la cosmopolitique qui se fait et qu’il faut faire davantage, c’est-à-dire une politique qui prend à bras-le-corps la nécessité que les non humains y soient représentés ! Et cela autrement que par des délégués qui interviennent en restant reliés à leurs frontières nationales…
Oui mais comment faire ? Anticipant la COP21 de Paris en 2016, Bruno Latour organise une simulation.
En mai 2015, 200 étudiants se sont rassemblés à Nanterre pour expérimenter le processus cosmopolitique. En plus de ceux qui représentent les nations, d’autres représentaient les collectifs non nationaux (par exemple les ’’peuples indigènes’’) et les non-humains (par exemple les océans et le sol), afin d’explorer les voies alternatives pour débloquer les négociations sur le climat. C’est cela que signifie en termes pratiques, ‘’être appeler à comparaître devant Gaïa’’ et lui faire face. (49)
On ne perdra pas de vue que le port d’attache académique de Bruno Latour aura été, pendant de très nombreuses années, l’Ecole des Mines, en étant singulièrement actif au sein du Centre de Sociologie de l’Innovation. C’est un milieu d’ingénieurs, «saturé» par les questions techniques. Dès lors, établir et entretenir la recevabilité de travaux d’anthropologie aux yeux de ce public doit avoir été une solide préoccupation. L’importance que ses propositions théoriques et empiriques accordent aux objets techniques n’est sans doute pas sans liens avec un tel contexte professionnel.
Si l’on ne peut que partager le constat fait par Latour que les sociétés humaines sont désormais inextricablement liées aux objets techniques et qu’il s’agit de reconnaître à ces artefacts, au moins un statut de médiateurs de interactions humaines, il reste plus difficile de le suivre sur une radicale absence de spécificité aux interactions sociales, entendues comme humaines et que la sociologie s’est donnée pour objet. C’est d’ailleurs une des critiques adressées à l’encontre de la théorie de l’Acteur-Réseau, dans la mesure où elle prétend se passer de la notion de pouvoir.
Troisième critique: on pourrait aussi ajouter un point «épistémologique». Fidèle à son modèle qui souligne la conception et la diffusion de l’innovation de proche en proche, Latour refuse d’envisager l’existence de mécanismes englobants, comme par exemple l’emballement du progrès techno-scientifique, pour n’y voir que de multiples chaînes d’ajustements mutuels entre actants. Appliquant cette approche, non plus seulement à la dynamique de l’innovation technique mais aux vastes collectifs, il soutiendra qu’il faut se passer de la notion même de société, conçue comme un méta-régulateur, affirmant que l’existence d’une société ainsi entendue contrecarre la possibilité de toute politique.
Le souci épistémologique tient en ce que cette position nie l’existence de toute réalité complexe émergente. Développons ce point. A proprement parlé, le terme d’émergence est là pour rendre compte du fait qu’un système présente les propriétés d’ensemble qui ne peuvent être déduites des priorités des éléments que ce système met en relation. Citons une des références en la matière :
L’expression un peu ésotérique, ‘’un tout est plus que la somme de ses parties’’ signifie simplement que les caractéristiques constitutives ne peuvent s’expliquer à partir des caractéristiques des parties prises isolément. Les propriétés du complexe paraissent donc, par rapport à celles des éléments, comme ‘’nouvelles’’ ou ‘’émergentes’’ . (50)
On peut tout aussi bien convoquer l’Edgar Morin de «La méthode»:
Le système possède quelque chose de plus que ses composants considérés de façon isolée ou juxtaposée:
* son organisation,
* l’unité globale elle-même (le ‘’tout’’),
* les qualités et propriétés nouvelles émergeant de l’organisation et de l’unité globale. (51)
Au vu de cette notion, on est pourtant bien tenté de reconnaître que, notamment, l’accélération (52) du rythme de l’innovation techno-scientifique se trouve à un autre niveau que la seule addition de chacune des innovations, fussent-elles connectées entre elles, de proche en proche. Et cette accélération elle-même peut être étudiée en tant que telle, à relative distance des chemins singuliers que dessinent une innovation technique particulière.
Reprenons maintenant le projet de cette note. Avec «Où atterrir», paru en 2017, puis «Où suis-je ?», paru en 2021, Bruno Latour a atteint auprès d’un large public une notoriété jusque-là restreinte à un bien plus petit cercle. La fréquentation et le succès des «ateliers» organisés par le «Consortium Où atterrir» les suites de son appel «Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise», lancé fin mars 2020 et ses prolongements hébergés à Science Po ont connu un retentissement et un écho médiatique hors du commun.
Ces succès ont aussi donné envie à plus d’un.e de s’inspirer de ses ateliers pour:
* travailler avec des collectifs pour décrire des territoires, des dépendances, des « attachements» ;
* générer des aspirations communes, identifier sur cette base, allié.es et adversaires ;
* formuler des doléances, étudier et générer des propositions puis s’organiser pour les faire valoir…
* en d’autres termes, faire de la politique !
Il s’agissait ici de montrer que se trouvaient, en soubassements de ces ouvrages, qui prennent la forme d’un conte philosophique ou d’un essai comme il s’en publie tant, non seulement une brillante et vaste érudition, mais surtout un ensemble cohérent et impressionnant de travaux, de recherches et de publications.
Oui, il y a donc de solides raisons aux questions-guides que pose Latour à la fin de «Où atterrir» :
* Comme terrestre, de quoi dépendons-nous pour survivre? Quels sont nos «attachements» ?
* Réciproquement, quels autres terrestres dépendent de nous pour leur survie ?
* Que sommes-nous prêts à défendre, avec qui et contre qui ?
* Et comment nous organiser pour cela ?
Oui, il y a de solides raisons à son souci de d’abord décrire au plus près des liens dont il s’agit d’abord de rendre compte. «Prendre acte et non filtrer, décrire et non discipliner…» (53), comme il l’indique dans ses propres termes. Pour ne pas « décoller » dans des généralités creuses, pour prendre la mesure de nos ignorances et nous obliger à nous documenter, pour dépasser le stade de la plainte et reconstituer une «puissance d’agir», selon la formulation de Spinoza… Pour ne pas avoir paresseusement recours aux premières catégories d’analyse qui nous viendraient à l’esprit, et singulièrement celles qui relèvent de l’économie. On se rappellera ici de cette phrase d’Albert Einstein:
On ne résout pas un problème avec les modes de pensée qui l’ont engendré.
Oui, il y a de solides raisons à son insistance sur le fait de prendre le maximum de recul à l’égard des catégories d’analyse héritées des Modernes et tout particulièrement la distinction Nature/Culture. Superficiellement, nous acceptons sans doute l’idée plutôt sympathique de la remettre en question. Pourtant, à chaque détour, nous pourrions nous laisser surprendre au fait d’y avoir si distraitement recours.
Oui, il y a de solides raisons à son insistance pour donner aux non-humains (vivants et non vivants) un statut de «partie prenante à la cause» terrestre, de rechercher des moyens de leurs poser des bonnes questions (Vinciane Despret) et recueillir ainsi leur accord de parler en leur nom, tâtonner, rechercher ensemble les possibilités vitales d’un monde commun.
Finalement, il s’agit là pas moins que d’un chemin pour nous permettre de penser et agir politiquement et faire face au nouveau régime climatique et son enjeu : l’habitabilité de la Terre, pour tous les terrestres. «L’utopie ou la mort» (54), en quelque sorte…
(1) De VRIES Gérard, (2018), « Bruno Latour. Une introduction », La Découverte, Grands Repères/Manuels, Paris. (Traduit de l’anglais par Fleur Courtois-l’Heureux. Edition et révision par Philippe Pignarre). Titre original : « Bruno Latour », Policy Press, Cambridge, 2016.
(2) Sites de référence: Où atterrir.fr – Medialab-SciencePo
(3) LATOUR Bruno, WOOLGAR Steve, (1988), « La vie de laboratoire. La production des faits scientifiques », La découverte, Paris. [Ed. originale en anglais : (1979), « Laboratory Live, The Construction of Scientific Facts », Sage Publications, Beverly Hills/London.
(4) Cette approche consiste à « prendre au sérieux » ce que les acteurs eux-mêmes disent de ce qu’ils font, sans chercher à immédiatement« plaquer » sur leurs dires des cadres d’interprétation issus de la littérature des sciences sociales déjà stabilisés.
(5) Au sein du « Centre de sociologie de l’innovation » de Mines ParisTech.
(6) Voir notamment : AMBLARD, Henri, BERNOUX Philippe, HERREROS Gilles, LIVIAN Yves-Frédéric, (1996), Les nouvelles approches sociologiques des organisations, Seuil, Sociologie. (Pages 127-185)
(7) LATOUR Bruno (2006), « Changer de société, refaire de la sociologie », La Découverte, Paris. (Publication initiale en anglais en 2005 : « Reassembling the Social. An Introduction to Actor-Network Theory », Oxford University Press).
(8) Exemple : « Reset Modernity! », en 2016. Voir : www.bruno-latour.fr/fr/node/680.html
Cette exposition, qui s’est tenue au ZKM, de Karlsruhe, est le fruit d’un travail collectif. S’appuyant sur l’ «anthropologie symétrique» chère à Latour. Des chercheurs en sciences sociales, des scientifiques et des artistes, s’efforcent de mise au jour des croyances et comportements des Modernes, confrontés à la nécessité d’entrer dans un nouveau monde, (le nouveau régime climatique). Et cette nécessité exige tout autant de réinitialiser (reset !) les fondements de notre conception d’un monde naturel, dont nous serions séparés et qui serait à notre disposition.
(9) LATOUR Bruno, (1991), «Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique», La Découverte, Paris.
(10) LEVI-STRAUSS Claude (1962), « La pensée sauvage » Plon, Paris.
(11) Ce qu’il avait déjà fait dans «La vie de laboratoire».
(12) Latour connaît les travaux de Philippe Descola. Lire notamment : DESCOLA Philippe, (2005), « Par-delà nature et culture », Gallimard, NRF – Bibliothèque des sciences humaines, Paris.
(13) de VRIES Gérard, (2018), «Bruno Latour. Une introduction», La Découverte, Paris. Page 106.
(14) LATOUR Bruno, (2006), « Changer de société, refaire de la sociologie, introduction à la théorie de l’acteur-réseau », La Découverte, Paris. [Titre original : (2005): « Re-assembling the Social. An Introduction to Actor-Network Theory », Oxford University Press, Oxford.
(15) de VRIES Gérard : « Bruno Latour. Une introduction ». Op. Cit. Page 112.
(16) LATOUR Bruno, (2006), «Changer de société, refaire de la sociologie, introduction à la théorie de l’acteur-réseau», Op. Cit. Page 36. Il présente l’ouvrage canonique de Luc Boltanski et Laurent Thévenot comme particulièrement exemplatif de la richesse des productions ainsi réalisées. Voir :
BOLTANSKI Luc, THEVENOT Laurent, (1991), «De la justification. Les économies de la grandeur», Gallimard, nrf essais, Paris.
(17) LATOUR Bruno, (2006), «Changer la société,…» Op. Cit. Pages 41-62.
(18) de VRIES Gérard : «Bruno Latour. Une introduction». Op. Cit. Page 114.
(19) LATOUR Bruno, (2006), «Changer la société,…» Op. Cit. Page 67.
(20) Idem, Page 103.
(21) Idem, Page 165.
(22) Idem, Page 187.
(23) Idem, Page 190.
(24) Idem, Page 194.
(25) On ne va pas chercher ici à présenter en détail ses arguments, pas plus que faire le bilan des controverses que cela a suscité, parmi les sociologues. En effet, ils voient ainsi nombre de leurs repères méthodologiques et théoriques non seulement contestés mais davantage balayés, essentiellement les courants théoriques qui s’inscrivent dans une tradition durkheimienne. Ce serait l’objet d’un autre travail. On pourra toujours consulter la recension rédigée par Martin Giraudeau.
(26) LATOUR Bruno, (2006), «Changer la société,…» Op. Cit. Page 253.
(27) Idem, Page 259.
(28) Idem, Page 281.
(29) Latour souligne le choix de ce terme pour rendre compte de son double sens : A est attaché à B/… et réciproquement !
(30) Idem. Page 316. (* Ici, Latour renvoie à JULLIEN François (1997), « Traité de l’efficacité », Grasset, Paris.)
(31) Idem, Page 320.
(32) Latour reprendra cette métaphore dans « Où suis-Je ?
(33) LATOUR Bruno, (2012), « Enquêtes sur les modes d’existence », La découverte, paris.
(34) de VRIES Gérard (2018), «Bruno Latour. Une introduction», La découverte, Paris. Page 195.
(35) Cette notion est reprise au philosophe du langage, John Austin. Voir :
AUSTIN John, (1962) « Quand dire, c’est faire », Seuil, 1970. (1962, pour l’édition originale en anglais)
(36) de VRIES Gérard (2018), « Bruno Latour. Une introduction », Op. Cit. Page 233.
(37) Voir : LOVELOCK James, (1993) «La Terre est un être vivant. L’hypothèse Gaïa», Flammarion, Paris (Première édition : 1979) On sait que Lovelock s’est distancié des reprises «New Age» de sa proposition, qui voulait pour sa part manifester l’importance d’une approche interdisciplinaire pour aborder ces phénomènes dans leur globalité.
(38) de VRIES Gérard (2018), «Bruno Latour. Une introduction», Op. Cit. Page 237.
(39) C’est là le titre d’un de ses ouvrages : LATOUR Bruno, (2004), «Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie», La Découverte, Paris.
(40) On interrogera par exemple la notion de «Développement Durable». En première analyse, cette notion est un concept composite, résultat d’une négociation» entre intérêts divergents : les limites physiques de la terre, conçue comme un réservoir, les acteurs socio-économiques et les générations futures. Mais le principal problème, selon Latour, c’est que toutes les parties à la cause n’ont pas été conviées à cette négociation « politique». Où étaient les océans, les espèces en voie d’extinction, les générations de futurs vivants, les bactéries, l’ozone, le dioxyde de carbone, (et la liste est très longue…) D’où la proposition d’un « Parlement des choses ». (Voir ci-dessous)
(41) STENGERS Isabelle (1996-1997) «Cosmopolitiques» 7 tomes. La découverte/Les empêcheurs de penser en rond, Paris.
(42) On notera que le terme Cosmopolitique est à distinguer du «cosmopolitisme» kantien, selon lequel tous les êtres humains sont à considérer comme les membres d’une seule et même communauté.
(43) de VRIES Gérard (2018), « Bruno Latour. Une introduction », Op. Cit. Page 172-173.
(44) Idem. Page 173.
(45) Idem. Page 174.
(46) LATOUR Bruno, « Esquisse d’un parlement des choses » (Ecrit en 1994), in : Revue « Écologie & politique » 2018/1 N° 56 | pages 47 à 64.
Consultable via . (Page 11)
(47) de VRIES Gérard (2018), «Bruno Latour. Une introduction», Op. Cit. Page 176.
(48) LATOUR Bruno, « Esquisse d’un parlement des choses » (Ecrit en 1994) Revue « Écologie & politique » 2018/1 N° 56 | pages 47 à 64
Consultable via (Page 8)
(49) de VRIES Gérard (2018), «Bruno Latour. Une introduction», Op. Cit. Pages 238-239.
Cette formulation renvoie aussi à LATOUR Bruno, (2015), «Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique», La Découverte, Paris.
(50) Von BERTALANFFY Ludwig, (1973), « Théorie générale des systèmes », Bordas, Paris. Page 53. (1968, pour l’éd. orig. en anglais)
(51) MORIN Edgar, (1977), « La Méthode. 1. La Nature de la Nature », Seuil, Paris. Page 106
(52) Sur ce sujet de l’accélération, on lira notamment:
ROSA Hartmut, (2014), «Aliénation et accélération, vers une théorie critique de la modernité tardive», La Découverte, Paris.
(53) de VRIES Gérard (2018), « Bruno Latour. Une introduction », La découverte, Paris. Page 113.
(54) DUMONT René, (1973), «L’utopie ou la mort», Seuil/Histoire Immédiate, Paris.