Bien sûr, nous savons ce que nous voulons dire, lorsque nous communiquons sur le climat. Oui, mais est-ce bien compris ? C’est à cette simple ( !?) question que l’on s’attaque ici.
Connaissez-vous George Lakoff ? C’est un cognitivo-linguiste qui a mis son savoir à disposition des démocrates américains. Ses interrogations et ses propositions sur le langage, le cerveau humain et la communication sont d’un apport considérable, singulièrement pour les activistes du climat.
Affirmer qu’il faut lutter contre le climat qui change, est-ce que ça marche ? Comment et pourquoi faire autrement ? Et puis, pourquoi est-il apparemment si difficile de changer de stratégie de communication ?
Cette interpellation s’adresse spécifiquement à celles et ceux qui communiquent sur les enjeux climatiques et de biodiversité.
Combien de fois n’avons-nous pas entendu cette petite musique ? Les acteurs qui la reprennent sont légion. Ce qui ne peut que conduire à cette question : interpeller ainsi produit-il les effets attendus ? Et si cette façon de faire n’est pas efficace, comment l’expliquer ? Et puis surtout, comment faire autrement ?
On propose ici une autre approche, sur base de travaux du cognitivo linguiste George Lakoff, et singulièrement la notion de « framing », qui vient considérablement bousculer nos croyances relatives à la compréhension et à la communication. Cette interpellation s’adresse spécifiquement à celles et ceux qui communiquent sur les enjeux climatiques et de biodiversité. S’il est nécessaire d’affronter un « détour » théorique, on se limite ici à l’essentiel, c’est-à-dire ce qui peut conduire à des recommandations aussi opérationnelles que possible.
Commençons par une notion cruciale : le « framing ». Le cognitivo-linguiste George Lakoff publie, en 2010, un article central qui établit des liens entre la communication environnementale et les travaux en neurosciences ainsi que l’approche cognitive du langage. Il intitule son article : « La manière dont nous cadrons l’environnement est importante ». (1)
C’est un des principaux résultats des travaux menés en sciences cognitives (2) et du cerveau : nous pensons en termes de structures schématiques et imagées, largement en dehors du champ de notre conscience et qui peuvent être appelées des « cadres » (« Frames »). On les nomme parfois des « schémas ». A la suite des travaux du sociologue Ervin Goffman (3) , ces frames comprennent des objets et des rôles, des relations entre les rôles et des relations avec ces objets. Un hôpital par exemple comprend des rôles comme : docteur·e, infirmièr·e, patient·e, visiteur·e, réceptionniste, salle d’opération, salle de réveil, scalpel, etc. Quant aux relations, on trouve des prescriptions de ce qui est sensé s’y passer : par exemple, les chirurgien·nes opèrent les patient·es dans des salles d’opération avec des scalpels…
La linguistique cognitive, à la suite des travaux de Charles Fillmore, a montré que ces structures correspondent à des réalités physiques, inscrites dans les circuits neuronaux du cerveau. Toutes nos connaissances utilisent des « frames » et chaque mot est donc « défini », non pour et par lui-même, mais par les frames » qu’il active neuronalement. De plus, ces frames sont également reliés entre eux.
Ce n’est pas tout : de tels circuits disposent de connexions directes avec les régions émotionnelles du cerveau. Ainsi que l’ont bien montré les travaux d’Antonio Damasio (4) les émotions sont une partie immanquable du processus normal de la pensée et singulièrement de la décision.
Insistons-y : tout comme les métaphores conceptuelles (5), les « frames » sont des caractéristiques majeures de l’entendement humain. Ils sont constitutifs de la mentalité d’un groupe culturel ; ils structurent la compréhension collective, ressentie, expérimentée de la société et du monde dans lesquels une personne vit, ils déterminent une perspective, une vision du monde. De plus, ils correspondent à des réalités physiques de l’organisation de nos cerveaux. Tout cela n’est pas sans incidence sur des questions de communication, les possibilités de changer ces « frames » étant limitées.
Dans tout acte de de communication, et singulièrement dans le cas d’une communication grand public sur les questions d’environnement, on ne peut éviter d’avoir recours au « framing ». La seule question est celle de savoir quels « frames » seront activés et donc renforcés dans les cerveaux de nos publics. Cela doit donc recueillir toute notre attention.
De telles considérations viennent heurter de front nos croyances profondément ancrées, concernant la manière dont nous nous représentons le monde, dont nous le comprenons et pouvons communiquer à son propos. Et ces croyances sont largement tributaires de notre héritage cartésien. Or, au cours de ces trente-quarante dernières années, les sciences neurocognitives ont pu montrer combien cette vision était erronée. Cet héritage des Lumières nous conduit à considérer que la raison est consciente, non émotionnelle, logique, abstraite, universelle, et que les concepts autant que le langage sont les reflets directs des états du monde.
Les travaux en neurosciences conduisent à une tout autre conception. Ces recherches ont montré que la raison :
* Mobilise essentiellement des structures et des processus massivement en dehors du champ de notre conscience ;
* Nécessite des émotions ;
* Utilise la logique des « frames», des métaphores et des récits ;
* Correspond à des réalités physiques (elle est inscrite dans nos circuits neuronaux et leurs interconnexions) ;
* Varie considérablement, selon les « frames» qu’elle active.
Et, peut-être plus fondamentalement encore, la raison est « incarnée ». (6) Le cerveau et le reste du corps sont reliés : pour le formuler de manière directe, les idées et le langage ne peuvent donc s’adapter directement au monde, car ils doivent passer par le corps.
On aurait tort de voir dans ses réflexions des conjectures sans rapport avec notre objet : c’est tout l’inverse. En effet, les scientifiques et les activistes des causes environnementales, les responsables des politiques publiques, les personnes formées en économie et en droit, notamment, ainsi spécifiquement que les personnes chargées de communication, partagent cette « ancienne » vision de la raison. Et c’est sur cette base de cet univers de croyances qu’elles estiment qu’il suffit de présenter aux gens les faits bien étayés pour qu’ils arrivent à la bonne conclusion. Or, il nous faut bien le constater, cela ne se passe pas ainsi.
S’exprimer, c’est –forcément– faire des hypothèses. Produire des énoncés, c’est nécessairement postuler que les destinataires disposent des ressources pour attribuer de la signification à ce que nous avons énoncé. La notion de « frame » est en totale cohérence avec cette affirmation. Les analyses et les faits que nous exposons ne peuvent avoir un sens dans le chef des destinataires que s’ils trouvent « place » dans les systèmes de frames tels qu’ils existent préalablement dans leurs cerveaux. Faute de quoi ils seront tout simplement ignorés. Or, dans le cas du dérèglement climatique qui nous préoccupe ici, beaucoup trop de gens ne disposent pas d’un tel système de « frames ». C’est singulièrement le cas de la causalité circulaire (7).
Pour le formuler plus directement : la manière dont nous nous exprimons habituellement sur les enjeux environnementaux sollicite de la part des auditeur·rices des « frames » dont ils ne disposent généralement pas. Elles et ils mobiliseront dès lors les seuls « frames » dont elles et ils disposent.
L’impressionnant travail de décryptage auquel a procédé George Lakoff depuis le milieu des années ’90 (8) lui a permis de mettre en lumière, tout à la fois l’efficacité de la communication conservatrice aux Etats-Unis, mais aussi les moyens colossaux qu’ils ont mis au service d’une intention : imposer les « frames » pour s’assurer la domination de leur vision du monde.
Il est largement temps de passer à un exemple qui établira le lien le plus immédiat possible entre les considérations qui précèdent et l’enjeu de la communication environnementale. De nombreuses campagnes institutionnelles concernant l’adaptation au dérèglement climatique identifient le changement climatique comme étant l’ennemi à combattre et se proposent, pour mener cette lutte, de mobiliser les citoyens et les citoyennes dans leur vie quotidienne. (Voir les exemples, en illustration de cet article)
Selon l’approche du « framing » telle qu’on vient de la présenter, comment « risque » d’être comprise cette phrase : « Il est urgent de lutter contre le dérèglement climatique » ?
Lorsque nous utilisons de tels mots, comment notre intention sera-t-elle d’être comprise ? Quels sont les champs d’expérience concrètes que nous sollicitons, quels sont les circuits neuronaux que nous activons chez les destinataires ? Nous activons :
* Le champ métaphorique de la compétition, du combat, de la guerre ;
* L’ennemi désigné est le climat
* Les combattant·es à mobiliser sont les citoyen·nes
* Les moyens pour mobiliser sont l’information (faire comprendre, via des données techniques)
* Pour ce combat, les armes que nous fournissons aux citoyen·nes que nous voulons enrôler sont les fameux « petits gestes écocitoyens» (viande, vélo, thermostat, eau…)
Au nombre des implications d’un tel cadrage, citons au moins ceci :
* Cela situe l’ennemi en dehors du champ des activités et des sociétés humaines ;
* Désigner le climat comme ennemi vient servir de cadre justificatif à la proposition d’actions qui ressortent de la « géo-ingénierie solaire et climatique» ; (9)
* Une communication basée sur la « métaphore de la guerre contre le changement climatique» présente des limites qui ont été explorées ; (10)
* Inversement et par conséquent, ce focus sur le climat laisse dans l’ombre la désignation possible d’autres adversaires que sont les modes d’organisation des activités humaines et les acteurs qui les régissent ;
* …
La question se pose donc immédiatement : est-ce que cela marche ? Est-ce que cela produit les effets attendus ? Et la réponse est assez massivement non.
Explorons pourquoi, en sollicitant pour cela différents registres possibles d’explications.
En juin 2019, « carbone 4 » (11) a procédé à un calcul détaillé : à quelle hauteur l’action individuelle peut-elle influer sur les émissions CO2 de la France ? Réponse : si un Français activait conjointement et systématiquement l’ensemble des actions généralement préconisées, tous les jours de l’année, la baisse serait de l’ordre de 25%. Ce qui n’est pas du tout négligeable bien sûr, mais qui reste toutefois nettement insuffisant : on n’est pas à la hauteur des enjeux.
Dans les pays de l’Union Européenne, (12) les populations placent régulièrement l’environnement au premier rang de leurs préoccupations. Mais qu’entendent-elles exactement par-là ? Des enquêtes qualitatives font apparaître que ce terme est associé à une série de représentations, dont il importe de bien prendre la mesure :
* La dégradation de l’environnement, c’est loin, ce n’est pas ici. (Pensons à l’ours blanc sur son morceau de banquise…)
* Autre déclinaison : En gros, chez nous, ça va. C’est ailleurs que les problèmes sont les plus graves ;
* Les problèmes d’environnement, c’est demain (c-à-d pas maintenant)
* Les gens pensent que c’est avant tout aux autres d’agir. Dans l’ordre : les pouvoirs publics et les entreprises ;
* Lorsque les comportements des citoyen·nes/consommateur/rices sont évoqués, c’est là aussi les « autres » qui devraient agir en premier. (Les voisins, les plus riches, les pays plus pollueurs…)
* II y a loin entre le « déclaré » (« Je me dis conscient·e et informé·e») et les comportements effectivement observés ; (13)
Nous estimons généralement que c’est le niveau d’information sur l’état du climat et de la biodiversité qui conduit à agir en faveur de leur préservation. Or, ce sont les personnes qui sont le plus informées qui sont aussi celles dont les modes de vie contribuent le plus à la dégradation de l’environnement ;
Lorsque la « bonne volonté » est là, les citoyen·nes attendent des « modes d’emploi », tant ils et elles se disent perdu·es devant la complexité des repères. (Des « écogestes », c’est bien beau, mais lesquels ?)
D’autres approches seraient pourtant possibles. Ainsi, le rapport du GT III du 6ème Rapport du GIEC (avril 2022) identifie en synthèse trois champs d’actions : ce qui concerne la mise en œuvre de solutions technologiques, ce qui concerne les organisations des sociétés et ce qui permet d’agir sur la demande. Ces trois domaines délimitent donc bien autant des champs d’action possibles ;
* Ces domaines peuvent alors prendre l’allure de champs de bataille sur lesquels s’affrontent des acteurs, aux options potentiellement bien différentes, selon qu’ils soient sensibles ou non à cet enjeu inédit dans l’histoire de l’humanité : rien moins que la possibilité d’une vie humaine sur terre (15);
* Une autre approche consiste à aborder nos enjeux sous l’angle intégrateur de la santé, manifestant ainsi, non seulement les liens entre les santés humaines, animales, végétales et les écosystèmes (16), mais activant les valeurs altruistes et encourageant la possibilité d’alliances et de collaborations avec des nombreux acteurs qui interviennent dans ce champ ;
* Notons encore l’approche de la justice climatique, qui consiste à mettre en avant l’enjeu de l’égalité (plutôt que les risques environnementaux). Cette approche présente sans doute un volet juridique, mais elle comporte également un volet argumentatif puissant, qui sollicite les valeurs de justice, d’égalité, de sensibilité au sort des plus vulnérables et de protection (17);
* …
On conviendra assez aisément de ces constats, rien de bien surprenant dans les arguments qui viennent d’être avancés. Et pourtant, nous continuons à communiquer de cette manière. Comment l’expliquer ? On soutient ici que toute communication prend appui sur une série de croyances, de quasi-axiomes dont nous n’avons généralement guère conscience, tant il s’agit, à nos yeux, de véritables évidences. Il s’agit pourtant d’essayer de les élucider, afin d’en tirer ensuite quelques indications pour guider d’autres manières d’agir.
Ainsi, nous avons la croyance que la compréhension des mécanismes par lesquels les dérèglements climatiques se produisent est un ressort suffisant pour modifier les comportements. Nous croyons que l’information conduit à l’action : comprendre avant d’agir, en quelque sorte. Or, si cela était vrai, des affirmations comme « Fumer tue », ou « L’alcool nuit à la santé », auraient depuis longtemps réduit la consommation de ces produits. Il nous faut bien le reconnaître, cet appel au rationnel ne fonctionne pas. Pourquoi fonctionnerait-il alors dans le cas des enjeux climatiques ?
Nous avons aussi hérité des Lumières le dualisme esprit/matière (18), dont nous sommes intimement pétri·es et dont il est très coûteux, cognitivement parlant, de nous défaire.
Comme acte social, la communication d’alerte sur l’état de l’environnement place l’émetteur de ce type de message dans la position avantageuse de détenir un savoir, dont ne disposeraient pas les autres. Cela met donc en scène une relation sociale inégalitaire, qui n’est pas sans rappeler celle qui prévaut dans le modèle canonique de la communication « télégraphique » : Emetteur, Message, Code, Canal, Récepteur (19), au sein de laquelle l’Émetteur·rice se donne la position avantageuse de cause de la communication et, in fine, de pouvoir. Invité·es à prendre cette position d’infériorité complémentaire, il n’est pas rare que des destinataires résistent à ce qui peut être vécu comme une tentative de manipulation.
On pourrait encore ajouter la cohérence de cet accent sur l’individu avec l’individualisme contemporain. Ce terme est à entendre ici, non pas comme une insulte, mais comme un terme qui décrit une caractéristique centrale de l’évolution des sociétés occidentales contemporaines et le poids exténuant de l’impératif de l’auto-réalisation qui repose ainsi sur les individus. L’individu contemporain est sommé de faire l’incessante démonstration de sa capacité à être autonome. De telles puissantes attentes collectives à l’égard des capacités de l’individu représentent des mutations considérables des rapports individu/société. (20) L’insistance mise sur les petits gestes écoresponsables participe de cette évolution.
Si nous nous plaçons maintenant sur le plan de la polémique politique, cet accent excessif voire exclusif sur la responsabilité individuelle expose celles et ceux qui y ont recours à s’entendre reprocher qu’ils et elles sont culpabilisant·es, veulent restreindre les libertés individuelles et sont adeptes de l’écologie punitive !
Si nous prenons au sérieux ce qui précède, autant que les considérations théoriques qui les fondent et si nous cherchons à revoir nos pratiques de communication en cohérence avec cet ensemble, quelques pistes alternatives peuvent être dégagées.
Quelques considérations, si nous souhaitons continuer à nous adresser à « Monsieur et Madame Tout-le-monde ». On peut déjà dégager quelques repères : schématisons-les, en référence à la psychologie de l’action, à la psychologie environnementale et à l’éco-psychologie.
Première recommandation, par la négative : faire peur ne « fonctionne » pas !
* Une telle peur a un effet tétanisant, sidérant, anxiogène; (21)
* Le gap perçu entre l’ampleur de la catastrophe annoncée et les capacités d’action de chaque personne a un effet démotivant, démobilisant ;
* Un discours cherchant à susciter la peur peut être vécu comme une tentative de manipulation et susciter, en retour, une résistance à la réception des messages ;
* De tels discours peuvent aussi avoir des effets largement contreproductifs et conduire à une forme de défaitisme inconscient : « Foutu pour foutu, profitons-en tant qu’on peut ! »
* …
Le succès du livre de Sébastien Bohler, « Le bug humain » (22), a popularisé la question de nos fonctionnements cérébraux et notamment la préférence pour la satisfaction immédiate. On peut aussi évoquer ici les « biais cognitifs », comme le biais de confirmation (n’être sensible qu’à ce qui vient confirmer nos pré-représentations…), la comparaison sociale (le plaisir que l’on peut ressentir en constatant… que l’on a plus que l’autre !), la facilitation sociale (« Je ne vois pas les autres changer : pourquoi le ferai-je, moi ? » (23). C’est ce dont rend compte, notamment, le livre de George Marshall, « Le syndrome de l’autruche » (24), dont une édition de poche vient de sortir récemment en français. Si l’on voit bien comment des stratégies publicitaires par exemple prennent appui sur de tels mécanismes, on voit aussi que corriger de tels biais, afin d’induire des comportements « climate friendly » ressort davantage de ce qu’il est possible de traiter dans une relation d’aide thérapeutique ou dans un groupe en formation, mais que cela se situe donc largement en dehors du spectre de la communication de masse. (25)
Quant à des recommandations positives, on peut, sans exhaustivité, les formuler ainsi :
* Solliciter chez l’auditeur·rice la confiance en sa capacité à influer positivement sur les choses ;
* Mettre davantage en avant les « perspectives de gains », (les avantages attendus des changements de comportement) plutôt que la nécessité de « prévention des risques » ;
* Présenter un objectif motivant, attrayant (on peut en effet douter de l’attractivité mobilisatrice de l’objectif : « * Maintenir le réchauffement global sous le seuil de 1,5°C » …)
* La théorie du « Nudge» (coup de pouce) peut aussi être convoquée ici (26) ;
* Aligner ces objectifs sur des valeurs (27)
* …
Ici encore, les apports de Lakoff ont toute leur originalité et leur intérêt. On l’a vu plus haut, l’auteur insiste sur le caractère incarné de la cognition (28) et en tire des implications pour notre objet, s’agissant de la communication grand public.
Le caractère incorporé sur lequel on a insisté plus haut conduit à la prédilection des cerveaux humains pour le concret, c’est-à-dire pour ce qui peut correspondre à des expériences, palpables, audibles, visibles… Dans divers travaux (29), Lakoff a exploré la question de savoir quel est le champ d’expérience concret dans lequel nous pouvons expérimenter l’appartenance à un collectif au sein duquel des décisions doivent être prises, pour le bien de ce collectif. Réponse : il s’agit de la famille. Il identifie, dans la culture américaine, tout à la fois une métaphore conceptuelle [le-pays-est-une-famille] et deux modèles familiaux idéaux (30), qu’il décrit théoriquement en les contrastant l’un par rapport à l’autre, chaque modèle se voyant attacher une série de valeurs qui le caractérisent. Ainsi du modèle dit « du père strict » qui est caractérisé par des valeurs comme autorité, discipline… tandis que le modèle familial dit « altruiste » est caractérisé par des valeurs comme empathie, bienveillance, responsabilité vis-à-vis de soi et des autres…
Affirmons-le d’emblée : cette référence à l’univers de la famille ne signifie pas qu’il s’agit de promouvoir la famille, en tant que valeur. Il s’agit davantage de prendre acte de l’existence de ces deux ensembles de valeurs, en tant que repères moraux, c’est-à-dire de guides pour apprécier ce qui est désirable et ce qui peut motiver à agir. Aussi, la proposition consiste-t-elle ici à inviter l’audi-spectateur/trice, pour comprendre ce que nous avons à lui dire, à activer un univers qui lui est familier, un champ d’expérience concret qui guide ses conduites à l’égard des êtres qui lui sont chers. Rejoint·e·dans ses valeurs, cet·te l’audi-spectateur/trice est ainsi invité·e à rejoindre les enjeux que nous lui présentons dans ces mêmes termes qui lui servent à guider ses attitudes et ses conduites à l’égard des êtres familiers qui lui sont chers.
D’une manière synthétique, la recommandation à ce stade peut se formuler ainsi : commençons par ce qui est proche, la famille, la maison, les animaux familiers, les voisins les voisines… avant d’élargir et d’arriver au global. (31) On voit alors que cette recommandation vient prendre de front la tendance spontanée que nous avons à évoquer en premier lieu le global, la biodiversité, le climat, avant d’en appeler à la responsabilité individuelle et collective.
Deuxième accent opérationnel à tirer de ce focus sur les valeurs : ne pas hésiter à évoquer ces valeurs altruistes (empathie, bienveillance, soin, protection, responsabilité…) de manière à solliciter les attitudes positives à l’égard du climat et de la biodiversité, dans les mêmes termes que la bienveillance que les publics apportent à ce qui leur est cher. On associe ici une attitude positive, désirable, mobilisante… à la nécessité d’une action conséquente.
Si nous voulons continuer à alerter sur le dérèglement du climat en ayant recours pour cela à des données chiffrées et des arguments scientifiquement fondés, il faut alors aborder la question simple : auprès de quel(s) public(s) de tels types d’arguments peuvent-ils porter, quelles sont les caractéristiques des publics susceptibles d’être touchés par ces écrits, correspondant à ces critères ? Réponse : les personnes qui, en raison des responsabilités qu’elles exercent, ont en charge les infrastructures collectives, exigeant une gestion prévisionnelle. Ce sont les personnes qui occupent des fonctions de direction dans les administrations et incarnent la continuité des structures des Etats. Ce sont des gestionnaires, des prévisionnistes, des logisticien·nes, dont la formation de base, la culture professionnelle et l’attachement à la chose publique leur permettent autant qu’elles les conduisent à prendre en compte, de manière responsable, les moyen et long termes. En fonction de ces caractéristiques, un appel à l’urgence de mesures à prendre, fondées sur des données fiables, des analyses approfondies et des anticipations basées sur des modèles largement validés, est susceptible de les rejoindre.
On peut également rencontrer ce niveau d’expertise et de réceptivité aux arguments scientifiques auprès de responsables d’organisations et d’associations qui prennent en charge, globalement, des questions collectives. Formulons-le de manière synthétique : les expert·es parlent aux expert·es.
Toutefois, sans minimiser leurs capacités d’influences, ces acteurs n’ont pas directement la main sur les décisions structurelles qui sont à prendre. Pour l’essentiel, elles font du plaidoyer. On peut le regretter mais c’est un fait : cette stratégie d’argumentation rationnelle ne convient pas pour la grande majorité des cas.
A ce stade, soyons schématiques dans la formulation des implications qui découlent des considérations qui précédent.
Premièrement, il convient de ne destiner la présentation de faits collectés, de données chiffrées, des modèles fondant prévisions et analyses prospectives, qu’aux publics pour lesquels ces arguments sont intelligibles, parlants et aidants, c’est-à-dire celles et ceux qui ont en charge l’organisation des moyens en fonction du long terme, tels que les responsables d’administration, les directions techniques des entreprises, etc.
Les mesures à prendre sont largement connues : elles sont étudiées, étalonnées et validées, les effets attendus sont modélisés, à la fois pour chacune d’elles et dans leur combinaison avec d’autres (32) [1]. Dans les récentes propositions du GIEC,[2] elles sont répertoriées en catégories, par exemple celles qui concernent l’organisation structurelle de nos sociétés, celles qui concernent la mise en œuvre de procédés technologiques et celles qui agissent sur la demande.
Dès lors, sauf à déclencher des réactions du type « nimby », il est contre-indiqué de les présenter et les exposer dans leur dimension technique et les soumettre ainsi de facto à la discussion, si ce n’est devant des personnes qui disposent tout à la fois des compétences pour en apprécier la portée et des moyens institutionnels légitimes de les mettre en œuvre. Comme déjà précisé, il s’agit des responsables d’administration, des décideur·es politiques, des responsables de production dans les entreprises, des urbanistes, etc.
Si, comme précisé plus haut, 75 à 80% des émissions de GES ne dépendent pas des conduites individuelles, mais très majoritairement des modes d’organisation de nos sociétés (travail, aménagement du territoire, publicité…) des modes de production et distribution des denrées alimentaires, des matières premières et des marchandises, c’est alors davantage sur ces dimensions structurelles qu’il faut agir, en aidant, tant les acteurs que les populations, à s’adapter aux changements cruciaux qui s’imposent. Un critère décisif en faveur de l’acceptabilité de cet ensemble, est l’impératif de la justice, dans la répartition des efforts demandés et les soutiens publics pour les encourager.
Si nous prenons au sérieux les analyses et les propositions telles que Lakoff les formule et telles qu’on vient d’en rendre compte bien sommairement, les implications ne manquent pas. En effet, il ne s’agit pas de présenter des mesures dans leur technicité et d’argumenter en exposant les effets attendus sur l’atténuation du dérèglement climatique. Il s’agit au contraire d’insister sur les valeurs d’empathie, de bienveillance, de protection qui les fondent, à savoir les valeurs au nom desquelles il est impératif d’agir et de prendre des mesures basculantes, c’est-à-dire encore des valeurs en lesquelles nombre de personnes pourront reconnaître les leurs.
Ce seront ces valeurs qui donneront aux mesures fortes, celles qui sont à prendre en direction de l’impérative transition, la légitimité morale dont elles ont besoin pour que les populations y adhèrent et que les politiques soient assuré·es de ce soutien. Certes, cela ne supprimera pas les opposants, mais cela créera une masse critique suffisante.
Comment réussir… à ne rien comprendre au framing ?
Le regard si particulier que Lakoff invite à avoir sur le langage peut être particulièrement déroutant et la meilleure manière de ne pas comprendre la radicalité de ses apports consiste à n’en retenir que ce que nous savons –où croyons savoir– sur la communication. Abordons cela en quelques traits.
Une première erreur consiste à ne voir dans tout cela qu’une question de mots. Bannir tel mot, privilégier tel autre seraient les seules conclusions opérationnelles à en retirer. Or, cette fixation sur les mots repose sur une croyance : l’existence d’une correspondance biunivoque entre les états du monde et les mots que nous utilisons pour les décrire. Comme dans un dictionnaire, chaque mot aurait sa propre signification. Pourtant, contrairement à ce que croyait Saussure, le mot « cheval » ne renvoie pas (seulement) à un équidé, il n’est pas seulement l’étiquette qui est utilisée, en langue française, pour désigner un ongulé de grande taille. Le mot « cheval » s’inscrit dans des réseaux neuronaux qui le rattachent, par exemple, aux westerns, à la vie sauvage, à une pratique sportive « réservée » à une classe sociale, etc.
À l’encontre de cette thèse objectiviste, l’approche constructiviste de Lakoff interpose entre ces états du monde et la langue parlée, des schémas de compréhension qu’il nomme des « frames » et qu’il situe, en quelque sorte, en sous-bassement de toute compréhension. La compréhension et la production d’expressions des langues naturelles sont davantage tributaires de l’organisation de nos réseaux neuronaux, eux-mêmes tributaires de l’incorporation de notre esprit. Un mot ne renvoie pas à un objet singulier du monde : il active un champ d’expérience au sein duquel se construit cette compréhension et ce champ d’expérience est lui-même connecté à d’autres.
La phrase gravée dans le temple d’Apollon à Delphes, « Connais-toi toi-même », prend ici une autre portée puisque les neurosciences nous invitent à reconsidérer radicalement l’entendement humain. Un abord superficiel des apports de la linguistique cognitive nous fait passer à côté de cette interrogation radicale : qu’est-ce que connaître? (34)
On le voit alors, réduire tout ce qui précède à une simple question de mots revient à commettre une grave erreur, celle de croire que les mots sont l’équivalent des « frames » et qu’il suffit dès lors de disposer d’une short-list de bons mots et de quelques slogans (les fameuses « punch lines ») pour « faire le job ». Les recherches et les contributions de Lakoff se situent à un bien plus grand niveau de profondeur et nous conduisent à revisiter radicalement notre compréhension de ce qu’est la cognition humaine.
Ramassons le propos : en l’absence de systèmes de frames construits de longue date, les mots et les slogans ne peuvent probablement pas faire grand-chose.
Notre formatage cartésien nous conduit également à estimer que si « les gens » avaient accès aux faits, ils et elles raisonneraient correctement et seraient guidés vers la bonne conclusion.
Or, en réalité, les faits (exemple : « Depuis le début de l’industrialisation, la température moyenne annuelle du globe s’est réchauffée de près d’1.5 °C ») ne peuvent prendre sens que dans la mesure où ils trouvent à s’insérer dans un système de « frames » préexistant. En l’absence de tels cadres de compréhension, ces faits seront tout simplement ignorés. Aussi, pour être efficacement communiqués, les faits que nous souhaitons porter à la connaissance du public doivent être correctement présentés, c’est-à-dire formulés avec des mots soigneusement choisis, en raison des « frames » corrects qu’ils sont susceptibles d’activer. Si de tels « frames » n’existent pas, il faut consacrer des efforts à les construire, ce qui demande de la recherche, du temps, de la répétition…
Pour être en mesure de comprendre quelque chose de complexe, (les interdépendances des phénomènes, la causalité circulaire, les notions mathématiques de moyenne, de probabilité, de distribution…) il est nécessaire de disposer d’un système de « frames » qui puissent donner un sens à de tels faits. Dans le cas du dérèglement climatique qui nous occupe ici, trop de gens ne disposent pas des cadres de compréhension adéquats. Ainsi par exemple, le climat (l’abstraction qu’est la notion de moyenne mondiale) est compris comme la météo (le caractère palpable du temps qu’il fait à un endroit déterminé et un moment donné). Permettre la construction des tels réseaux neuronaux, préalables à toute compréhension correcte, demande nécessairement du temps, un temps dont les urgences climatiques et de biodiversité ne semblent guère nous donner le loisir de disposer.
Passons dès lors aux implications. En l’absence de frames adéquats, il est plus réaliste de parler de valeurs, celles-là même au nom desquelles l’action est indispensable. Il est inopérant de se limiter aux seuls faits et chiffres, tant en raison du fait qu’ils ne peuvent généralement pas être compris, mais aussi parce que, même correctement compris, ils ne construisent guère une mobilisation déterminée vers des actions résolues. Autre implication : il s’agit d’utiliser un langage simple, sans avoir recours à des termes techniques. Et il faut faire appel aux émotions, non à la peur tétanisante, mais à l’empathie et au devoir de protection, un trait constitutif de l’humanité. Tout simplement.
Autre version d’une résistance à prendre la mesure des implications radicales de l’approche cognitive du langage : en contester l’application à la langue française, en raison du fait que ce courant de recherche est anglo-saxon et inapplicable au français.
Une première réponse consiste à réaffirmer que le langage est ici second, par rapport à la préoccupation première qui est celle de l’organisation et du fonctionnement de notre cerveau. (35)
Une deuxième réponse consiste à dire que les travaux de Lakoff trouvent leur écho, depuis des dizaines d’années dans d’autres langues comme le néerlandais, les langues d’Europe orientale ou l’espagnol, pour ne prendre que ces exemples.
Une troisième réponse consiste à voir dans cette objection la trace de l’héritage cartésien qui est le nôtre et dont il est si difficile, non pas tant de se défaire, mais plutôt de prendre la mesure de ses limites. Ainsi, à un journaliste du journal « Le Monde » qui l’interrogeait, après avoir contribué à la campagne victorieuse d’Obama de 2008, sur les raisons pour lesquelles il n’est guère traduit en français, Lakoff répondait, avec un soupçon d’ironie :
Je pense que c’est à cause de Descartes. Le cartésianisme était très utile en 1650. Depuis, nous avons beaucoup appris ! (36)
Précisément, qu’avons-nous appris ? Que les comportements des cerveaux humains ne se décrivent pas comme la mise en œuvre des procédures de raisonnement de la logique formelle, mais qu’ils procèdent effectivement par comparaison, par analogie, par projection du connu vers ce qui est « à connaître », par référence envers l’expérience de l’espace que nous fournit notre corps, etc. Les affects interviennent dans l’évaluation d’une situation, autant que la motivation à entreprendre des actions correctrices. Les progrès de l’imagerie cérébrale, de l’anthropo-linguistique, les supports informatiques pour l’analyse des langues naturelles… permettent de confirmer ce paradoxe : nous comprenons aujourd’hui rationnellement pourquoi et comment nos cerveaux ne raisonnement pas… rationnellement !
Ce que les neurosciences, depuis une bonne trentaine d’années, nous ont appris du fonctionnement du cerveau, vient prendre de front une série l’hypothèses très largement héritées de l’approche cartésienne à laquelle nous avons toutes et tous été biberonné·es. Nommons-les immédiatement et bien schématiquement (37).
Premier postulat : nous savons ce que nous pensons ! Tout est dans la conscience.
Or, comme on l’a signalé, l’immense majorité de ce que nous pensons se situe en dehors du champ de la conscience. Telle la part émergée de l’iceberg, les mots auxquels nous avons recours sont la surface des choses. La compréhension que nous en avons repose sur la part immergée qu’est la cognition, entendue dans les termes décrits plus haut.
Deuxième postulat : la raison est sans passion.
Or, c’est tout le contraire, nous ne pouvons pas être rationnels sans être émotionnels. Les travaux d’Antonio Damasio l’ont montré (38), dès le début des années ’90, en travaillant sur des personnes présentant des blessures cérébrales les empêchant de percevoir des émotions. Concrètement, ces personnes sont incapables de ressentir les émotions des autres. Mais elles sont tout aussi incapables de répondre à cette simple question : « De quoi as-tu envie ? » Il est donc impossible de penser et singulièrement de décider sans émotions.
Troisième postulat : nos pensées correspondent directement aux états du monde.
C’est tout aussi faux. Et pourquoi ? Pour une raison très simple : nous pensons avec notre cerveau et notre cerveau est inclus dans un corps ! Tout ce que nous comprenons à propos de n’importe quel sujet vient de notre corps et est compris par le cerveau et ses réseaux neuronaux. Le cerveau n’a donc pas des structures arbitraires, elles sont contraintes par l’expérience de notre corps.
Une quatrième réponse consiste à pointer le goût français pour la rhétorique, (39) le bien parler, qui consiste si souvent à réduire la politique à sa mise en scène oratoire, médiatique et à une fascination pour celui qui parle le mieux. Répétons-le à nouveau : l’approche cognitive du langage ne concerne le langage à proprement parler, qu’en second ordre. La préoccupation centrale et celle de la structuration des réseaux neuronaux, le caractère déterminant de son incorporation et la manière dont cette structuration guide nos modes de compréhension des états du monde et notamment par production et la compréhension du langage. La haute idée que nous nous faisons de l’intelligence, que le langage nous permet de manifester, répugne nous faire admettre que cette pensée puisse émerger de cet amas gris et gluant qu’est notre cerveau. Cette fixation sur le langage procède de l’illusion de pouvoir s’affranchir des déterminants biologiques de notre condition d’êtres vivants.
Dernier possible terrain de « résistance » : rejeter les considérations qui précèdent, au motif qu’il s’agirait de manipuler les opinions. S’il est tout à fait louable de conserver une vigilance éthique en ces matières, percevons aussi que cette critique restreint excessivement le propos à sa seule dimension « communication » (40). Cette mécompréhension, très fréquente, se focalise sur le court terme, comme s’il existait une potion magique garantissant une persuasion politique assurée, grâce à quelques formulations bien choisies. Le propos se situe ici à une tout autre profondeur.
Cette attention aux principaux résultats des travaux en neurolinguistique invite certes à une vigilance au langage, mais, plus fondamentalement, elle nous confronte à cette interrogation abyssale : comment nous faire comprendre quand tant de personnes, non seulement ne disposent pas des bons « frames », mais à l’inverse, ont « spontanément » recours à des schémas de compréhension qui les conduisent à rejeter les faits dont nous voudrions pourtant qu’ils et elles tirent les conséquences. Or, les « frames » erronés, inscrits dans l’organisation des réseaux neuronaux, ne disparaissent pas lorsqu’ils sont confrontés à la présentation de faits d’observations scientifiques qui viennent pourtant les contredire. Ainsi par exemple de la notion de cause, appréhendée comme une « force-extérieure-appliquée-à-une-entité ».
Dès lors, pour que soit comprise la notion récursive de causalité circulaire, il faut un effort constant, concerné et répété pour que d’autres « frames » alternatifs puissent peu à peu s’implémenter et être activés à bon escient, en inhibant ainsi les mauvais « frames », qui ne disparaissent pas pour autant. Ce travail est tout sauf simple et est très loin de se confondre avec le court terme d’une campagne de communication et les slogans qui l’accompagne.
Entendu à cette profondeur et bien utilisés, les travaux de Lakoff sont davantage de l’ordre de l’éducation permanente citoyenne et des éclairages de nos choix démocratiques.
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Calculs de « carbone4 » sur le poids des « écogestes » https://www.carbone4.com/publication-faire-sa-part
Les opinions publiques européennes et l’environnement « Protéger l’environnement et le climat est important pour plus de 90 % des citoyens européens »
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One Health : https://www.anses.fr/fr/content/one-health
framing climate justice
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Individuel et collectif : une petite fable peut venir illustrer ce point. https://gerardpirotton.be/la-queue-du-dimanche-matin
Niveaux d’intelligibilité des réalités sociales.
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https://gerardpirotton.be/organisations-theories/niveaux-d-ardoino.
GIEC : recommandations pour les décideurs. Avril 2022.
https://report.ipcc.ch/ar6wg3/pdf/IPCC_AR6_WGIII_SummaryForPolicymakers.pdf
https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3
(1) George LAKOFF, (2010), « Why it Matters How We Frame the Environment », Environmental Communication, 4:1, 70-81. – Cet article est consultable via ce lien
(2) Insistons-y immédiatement : cette référence aux neurosciences ne signifie pas une affiliation au cognitivisme (approche computationnelle tenant le cerveau comme une machine qui manipulerait des symboles selon des règles procédurales). On fait ici spécifiquement référence à un large courant de recherche basé sur cette affirmation quasi triviale : notre cerveau est incorporé ! Voir: CHARLIER Philippe, PIROTTON Gérard, (1995), « Communication et formation. Vers un dépassement des modèles de la transmission et du traitement de l’information », « Recherches en communication », n°4 – 1995. Voir spécialement les pages 165 à 169. [consultable ici]
(3) FASTREZ Pierre, (2014), « La prise en compte du corps en sémantique cognitive », Hermès, La Revue, 2014/1, n° 68, Pages 36 à 42. [consultable ici]
MEUNIER Jean-Pierre, (2003), « Approches systémiques de la communication. Systémisme, mimétisme, cognition », de Boeck, Bruxelles. Voir spécialement les pages 129 à 165
(3) Erving GOFFMAN, (1991), « Les cadres de l’expérience », Ed de Minuit, Paris. [Ed. orig. en anglais : « Frame Analysis. An Essay of the Organization of Experience, 1974].
(4) Antonio R. DAMASIO, (1995), « L’erreur de Descartes », La raison des émotions », Odile jacob, Paris. [Ed. Orig. (1994), « Descartes’ Error. Emotion, Reason, and Human Brain », A. Grosset /Putman Books]
(5) LAKOFF George, JOHNSON Mark, (1985), « Les métaphores dans la vie quotidienne », Éditions de Minuit, Propositions, Paris. [Ed. Orig. :« Metaphors We Live By » University of Chicago, 1980].
(6) LAKOFF, George, JOHNSON Mark (1998), « Philosophy In The Flesh : The Embodied Mind And its Challenge To Western Thought », Basic Books.
(7) On lira ici un court texte de Lakoff où il insiste sur cette notion, à propos du lien entre l’ouragan « Sandy », qui a frappé les Etats-Unis en 2012 et le dérèglement climatique. [consultable ici]
(8) Sur ce thème, on relèvera tout particulièrement les ouvrages suivants :
LAKOFF, George, (1996), « Moral Politics : How Liberals and Conservatives Think », University of Chicago Press, Chicago.
LAKOFF, George, (2004), « Don’t Think of an Elephant. Know Your Values and Frame the Debate », Chelsea Green.
LAKOFF, George, (2006), « Whose Freedom ? The Battle Over America’s Most Important Idea », New York Farrar, Straus and Giroux.
LAKOFF, George, (2009), « The Political Mind, A cognitive Scientist’s Guide to your Brain and its Politics », Penguin Books, New York.
LAKOFF, George, (2015), « La guerre des mots. Ou comment contrer le discours des conservateurs », Celsa, Les petits Matins, Paris. (Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Agnès El Kaïm) [Edition originale : « The ALL NEW Don’t Think of an Elephant ! », (2014), Chelsa Green Publishing Co, White River Junction, VT, USA].
(9) Une commission mondiale sur la gouvernance des risques liés au dépassement climatique a été installée, le 17 mai 2022, sous la présidence de Pascal Lamy. [consultable ici]
(10) Voir : FLUSBERG Stephen J, MATLOCK Teenie, THIBODEAU Paul, (2017), « Metaphors for the war (or race) against climate change », in : Environmental communication. A Journal of Nature and Culture, November 2017. [Consultable ici]
(11) [Consultable ici]
(12) « Protéger l’environnement et le climat est important pour plus de 90 % des citoyens européens » [Consultable ici]
(13) C’est un fait largement enseigné dans les écoles de marketing. Au début des années ’50, une grande firme d’automobiles américaine a procédé à des sondages pour recueillir auprès des consommateur·rices potentiel·les les arguments qui allaient présider au choix de leur future automobile. Les arguments déclarés alors étaient notamment la faible consommation en gasoil, la facilité pour la conduite urbaine (encombrement réduit pour le stationnement, etc.) La commercialisation de la voiture qui a suivi les préconisations de cette étude de marché a connu une vraie catastrophe. Et pour cause : les arguments rationnels déclarés dans une situation d’interview ne correspondent que très faiblement à ce qui préside au réel choix, à savoir des dimensions comme l’expression de l’estime de soi via la taille de la voiture, la comparaison sociale avec les membres de sa famille, ses collègues, ses voisins… On choisit sa voiture, non pour se déplacer, mais comme marqueur d’un statut social…
(14) Pour une autre présentation de ces considérations, voir: LIBAERT Thierry, (2020), « Des vents porteurs. Comment mobiliser (enfin) pour la planète », Edition Le Pommier, Paris
(15) LATOUR, Bruno (2017) « Où atterrir ? Comment s’orienter en politique », La découverte, Paris
(16) One Health. [Consultable ici]. Voir également: ROSSA-ROCCOR Verana, GIANG Amanda, KERSHAW Paul, (2021), « Framing climate change as a human health issue : enough to tip the scale in climate policy? », The Lancet Planetary Health, Vol.5, Issue 8, E553-E559, August 01, 2021. [Consultable ici]
(17) Framing de la justice climatique [Consultable ici]
(18) Sur ce point, on pourra consulter: PELUCHON Corine, (2021), « Les Lumières à l’âge du vivant », Seuil, Sciences humaines, Paris.
(19) Pour une possible présentation des théories de la communication, voir: PIROTTON Gérard (syllabus) « Approches pragmatiques et modèles de communication ». [Consultable ici] Sur le modèle « linéaire », voir spécialement les pages 3 à 11. On y fait aussi référence à la « Métaphore du conduit ». REDDY Michaël, (1979), « The Conduit Metaphor. – A Case of Frame. Conflict in our Language about Language. » in: ORTONY A. (ed), « Metaphor and Thought », Cambridge University Press, 1979 – Pages 284-324.
(20) On consultera notamment: ELIAS Norbert, (1991), « La société des individus » Paris, Fayard. (1987, pour l’édition originale en allemand.)
EHRENBERG Alain, (2018), « La mécanique des passions/ cerveaux, comportement, société », Odile Jacob, Paris.
EHRENBERG Alain, (1998), « La fatigue d’être soi », Paris, Odile Jacob.
EHRENBERG Alain, (1991), « Le culte de la performance », Paris, Calmann-Lévy.
(21) L’éco-anxiété est un état travaillé dans les cabinets de psychologie…
(22) BOHLER Sébastien (2019), « Le Bug humain. Pourquoi notre cerveau nous pousse à détruire la planète et comment l’en empêcher » ? Robert Laffont, Paris.
(23) Une petite fable peut venir illustrer ce point. [Consultable ici]
(24) George MARSHALL, (2017), « Le syndrome de l’autruche – Pourquoi notre cerveau veut ignorer le changement climatique », Actes sud, Paris.
(25) Ce point renvoie à la question épistémologique des niveaux d’intelligibilité des réalités sociales. Pour un développement de cette question voir : « Comprendre les réalités sociales : questions de niveaux ». [Consultable ici]
(26) Cette notion a été proposée dans le champ de la psychologie et de d’économie comportementale. On cherche ici à faire adopter des comportements, sans contrainte, obligation ou menace mais davantage une incitation valorisante. Cette approche est quelquefois qualifiée de « paternalisme libertarien ». Voir: THALER H. Richard, SUNSTEIN Cass R., (2008), « Nudge: Improving Decisions about Health, Wealth, and Happiness », Yale University Press.
27) SCHWARTZ H. Shalom, (2006), « Les valeurs de base de la personne : théorie, mesures et applications », « Revue française de sociologie », 2006/4 Vol. 47, pages 929 à 968. [Consultable ici]
(28) LAKOFF George, JOHNSON Marck, (1998), « Philosophy In The Flesh : The Embodied Mind And its Challenge To Western Thought », Basic Books.
(29) LAKOFF, George, (1996), « Moral Politics : How Liberals and Conservatives Think », University of Chicago Press, Chicago.
LAKOFF, George, (2009), « The Political Mind, A cognitive Scientist’s Guide to your Brain and its Politics », Penguin Books, New York.
(30) Au sens de la notion d’ « idéal-type », élaboré par Max Weber
(31) Rappelons-nous ce que l’on a signalé plus haut : pour le plus grand nombre, la dégradation de l’environnement, c’est loin. (Voir l’image de l’ours blanc sur son morceau de banquise…)
(32)Sur ce point, on consultera spécifiquement : HAWKEN Paul, (dir.), (2018), « Drawdown. Comment inverser le cours du réchauffement planétaire », Actes Sud, Domaine du Possible, Paris.
(33) Voir le rapport à destination des décideurs [Consultable ici] ou encore [Ici]. Ce rapport distingue notamment des domaines comme la demande, les énergies, l’agriculture, l’urbanisme, la construction, les transports, l’industrie, la finance, les technologies…
(34) VARELA J. Francisco, (1989), « Connaître. Les sciences cognitives, tendances et perspectives », Seuil, Paris.
(35) On peut prendre l’exemple du sous-titre d’un ouvrage de Lakoff. Il manifeste que le focus est ici sur la cognition humaine. Toutes les langues procèdent par catégorisations. Il est vain d’opposer les performances respectives des options prises par chaque langue ou chaque culture : en revanche, une approche anthropologique du langage permet des comparaisons qui viennent nourrir les recherches, moins sur chacune de ces langues, mais davantage sur les structures cérébrales qui sont requises pour les comprendre, et dont elles sont, en quelque sorte, les révélateurs. Voir: LAKOFF George, (1987), « Women, Fire, and Dangerous Things. What categories Reveal about the Mind », The University of Chicago Press, Chicago and London.
(36) Le Monde, 08 nov. 2009
(37) Pour un approfondissement de ces points, on consultera notamment : LAKOFF George, JOHNSON Mark (1998), « Philosophy In The Flesh : The Embodied Mind And its Challenge To Western Thought », Basic Books.
(38) Antonio R. DAMASIO, (1995), « L’erreur de Descartes », La raison des émotions », Odile jacob, Paris. [Ed. Orig. (1994), « Descartes’ Error. Emotion, Reason, and Human Brain », A. Grosset /Putman Books]
(39) VIKTOROVITCH Clément, (2021), « Le pouvoir rhétorique. Apprendre à convaincre et décrypter les discours », Seuil sciences Humaines, Paris.
(40) Ce terme, polysémique à souhait, étant ici entendu comme un équivalent de l’habillage, de la mise en forme, du « packaging », en quelque sorte.