Un célèbre scène du film « Douze hommes en colère«
C’est un grand classique de la formation à la dynamique des groupes. Rassemblé.es dans un local, les participant.s ont pour tâche de déterminer, par exemple un ordre de priorité dans la répartition de maigres ressources, au sein d’un groupe de rescapé.es. qui sont échoué.es sur une île déserte ou perdu.es en montagne après un accident d’avion, dans l’attente d’hypothétiques secours…
Quelques «volontaires» sont invité.es à jouer. Ils/elles se placent au centre du local et on leur indique qu’ils/elles doivent tenir le rôle des «rescapé .es», chacun.e disposant ou non de consignes individuelles particulières, tandis que d’autres, en périphérie, ont pour tâche d’observer les interactions, soutenu.es par des «grilles d’observation». A la fin de cette mise en scène, l’animateur/trice remercie les acteur/rices, dans la mesure où leurs contributions auront permis de disposer d’une situation concrète à analyser puis les invite tout d’abord à «exprimer leur vécu». C’est une nécessaire étape de décompression et de mise à distance progressive de la situation. On passe ensuite au compte-rendu des observations et on procède alors sur cette base à l’élucidation, par exemple des arguments avancés, de leurs fondements et de leur portée, des mécanismes d’influence, des stratégies d’intervention des un.es et des autres, des modes de prise de décision, etc.
Toutefois, au-delà de ce qu’un tel exercice permet d’apprendre sur les modes de prise de décision et les capacités d’influence des protagonistes, il reste qu’à un moment donné, le focus finit par se mettre sur le scénario lui-même, qui semble attester du quasi sadisme des concepteur/trices de tels scénarios. Les participant.es impliqué.es font massivement part de leur frustration d’avoir ainsi été placé.es dans une situation impossible : c’est une tâche intenable que d’avoir à choisir entre des priorités que rien ne permet de hiérarchiser. Aucun argument éthiquement recevable ne permettrait de classer des besoins aussi indéfectiblement prioritaires les uns que les autres.
N’y a-t-il vraiment que moi pour y voir un parallèle avec les situations que doivent affronter les autorités politiques ? Confrontées aujourd’hui à l’obligation de gérer notamment une rareté (capacités hospitalières, masques, vaccins,…) elles tentent de rencontrer l’inhumain défi : établir des priorités en les fondant «scientifiquement» et «politiquement». Ce faisant, elles se trouvent immédiatement exposées à la critique; qui, de ne pas avoir tenu compte de tel secteur ou de telle dimension, qui encore d’accorder trop d’importance à tel ou tel autre.
Je reviens à l’exercice structuré de dynamique des groupes. Il est rare qu’une personne s’étant vu attribuer un rôle d’observation regrette de ne pas s’être trouvé «au centre» pour jouer cette situation impraticable, confronté à l’obligation de trouver une solution chimérique. Personne ne s’autorise à faire la leçon aux acteur/trices.
Pour ma part, s’il est une leçon que j’en ai alors retenu, c’est… la modestie et l’humilité.
Et vous ?
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