Bart de Wever veut un scrutin majoritaire? (Annonce RTBF, 20 sept 2020).
Contextualisons. Bien sûr, il ne faut pas sous-estimer la dimension tactique. Etre le parti majoritaire dans la population majoritaire du pays, cela ne se refuse pas! Mais prenons davantage de hauteur encore en faisant un peu de droit constitutionnel et en mettant en évidence qu’un scrutin peut avoir au moins deux objectifs différents.
Dans le premier cas, il vise à obtenir une assemblée parlementaire qui soit à l’image des différentes sensibilités présentes dans le chef des électeurs/trices. Ici, le parlement est à l’image de la diversité qui compose le pays concerné. Ce scrutin est dit «proportionnel». La difficulté est alors de composer un exécutif qui soit nécessairement le fruit d’une négociation entre quelques-unes des composantes de cette diversité. Dans le second cas, le scrutin vise à avoir un exécutif qui dispose d’une majorité large et stable devant l’assemblée, sa représentativité est donc secondaire par rapport à la lisibilité et la solidité qu’il permet de dégager. Les nécessaires «compromis» se font au sein des formations politiques qui se présentent au suffrage, chacune d’elles ambitionnant de gouverner seule. Ce scrutin est dit «majoritaire».
Les Etats-Unis ou la France sont des exemples de scrutins majoritaires. Une expression rend compte de ce système : «The winner takes all» – le vainqueur emporte la mise. La Belgique, la Suisse, le Danemark… sont des pays dits «consociatifs», c-à-d pétris de diverses sensibilités qui trouvent à s’exprimer dans des groupes, des organismes, des associations et… des partis politiques et un système conséquent. Le scrutin proportionnel qui y prévaut est cohérent avec la coexistence de ces diversités.
Au-delà de l’avantage électoral recherché et de la nécessité où il est d’exister à côté d’un Belang envahissant, la référence au scrutin majoritaire de Bart de Wever est donc en rupture avec le caractère «consociatif» de la Belgique. En cela il est aligné sur les invariants de son programme. D’une part, la Belgique dans son ancien fonctionnement n’existe plus et les choses sont bien gérées quand les Flamands seuls décident pour les seuls Flamands. D’autre part, selon lui, il existe un peuple flamand, unanime, dont il est l’incarnation et l’expression, («Je vous comprends, je vous écoute, je parle en votre nom parce que je vous connais…»), sans la médiation que représentent les différents corps intermédiaires.
Concluons. Pour les démocrates, l’enjeu crucial est de faire apparaître les diversités et les tensions qui caractérisent les habitants de Flandre et la nécessité d’un système politique qui soit à l’image de cette diversité.
À propos de l’auteur