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Pargerardpirotton

Sondage – RTBF démocratie : responsabilité sociétale

     ― Pourquoi diable près de  40% des personnes interrogées ont-elles répondu qu’elles étaient favorables à un pouvoir fort ?

     ― Parce qu’on leur a posé la question, pardi !

Il doit y avoir quelques dizaines d’années, soucieux d’interroger la validité des sondages, un sociologue avait eu l’idée d’inviter un institut spécialisé à glisser la question suivante, parmi celles qui allaient être posées à un échantillon représentatif :  Etes-vous pour ou contre le projet de loi sur les métaux non-ferreux ? Oui. Non. Sans opinion. Je n’ai pas d’information pour pouvoir me prononcer. » Alors qu’une immense majorité de réponses se répartissent entre les « pour » et les « contre », très peu se positionnent dans l’abstention ou l’affirmation de leur ignorance. Il y a là largement de quoi s’inquiéter puisqu’il n’y a jamais eu de projet de loi sur les métaux non-ferreux !

Quelle leçon convient-il d’en tirer ? Que les sondages ne sont pas fiables, comme l’évoque cette plaisanterie : un récent sondage a montré que 63,8% des personnes interrogées affirment… que l’on ne peut pas faire confiance aux sondages ! (Marge d’erreur : 2,7%)

Plus sérieusement, cela signifie que l’art du sondage consiste notamment à formuler des questions de manière telle qu’elles ne induisent pas les réponses ! C’est très manifestement le défaut de ce récent sondage RTBF. Comme dans le cas des métaux non ferreux, il manifeste surtout la profonde ignorance des personnes interrogées quant au fonctionnement du système belge et par conséquent, il révèle la faillite de celles et ceux qui ont pour mission d’expliquer en quoi la complexité de ce système est à l’image de la complexité de la société belge elle-même.

S’il reste toujours possible de voir, dans cette préférence affichée pour le pouvoir fort concentré, une illusion créée par l’apparente simplicité de la politique française et l’omniprésence présidentielle, ou encore l’appel à une plus grande capacité d’action régulatrice des autorités publiques, il faut sans doute y voir davantage une ignorance de la complexité des sociétés contemporaines, voire même un refus de l’effort nécessaire pour la comprendre, un refus qui frise le déni.

Au lieu de tirer du sondage des leçons responsabilisantes pour celles et ceux qui ont en charge ces explications vitales, les résultats sont exposés comme un fait d’observation, alors qu’ils sont au contraire construits par le dispositif lui-même. Cette énonciation joue alors comme un feedback amplificateur, comme une prophétie auto-réalisatrice : « Je ne comprends rien au système politique belge. C’est sûrement vrai, puisque les gens sont d’accord avec moi ! »

En fait, ce sondage est un coup de trique : politologues, enseignant∙es, mandataires politiques, journalistes, présentateurs-vedettes de talk-show… prenez la mesure de vos responsabilités sociétales. Interrogez-vous sur vos pratiques, [https://gerardpirotton.be/covid-artifices-medias-democratie] tenez-vous à distance de toute tentation racoleuse, arrêtez de fantasmer sur un∙e citoyen∙ne omniscient∙e et paré∙e de toutes les vertus, affrontez la nécessité de rendre compte de la complexité et surtout…

Invitez à l’engagement politique !