Nous ne comprenons généralement pas comment un personnage aussi grossier, inculte et fat que cet homme a pu rassembler les votes et les enthousiasmes de près de la moitié des électrices et électeurs US. Or, lorsque nous le qualifions de rustre, nous adoptons à son égard une position de supériorité méprisante. Et c’est précisément cette attitude de mépris qui est prêtée, par de très larges franges de l’opinion publique américaine, aux «élites de Washington».
«Vous vous sentez méprisés par les élites: moi aussi je le suis, identifiez-vous à moi!», clame-t-il ! Et ça marche.
Prenons cette analogie. Un robinet fuit. Ce que je sais du fonctionnement d’un robinet me permet de conclure à la nécessité de changer le joint qui a perdu de son élasticité, au fil des usages. Cela demande de couper l’eau sous l’évier, de démonter une partie du robinet, d’ôter l’ancien joint écrasé et de le remplacer par un nouveau joint, bien élastique. Malgré ce savoir, je ne suis pourtant pas prêt à faire cet effort et je me contente de serrer plus fort le levier. Je sais pourtant que, faisant cela, j’écrase plus encore le joint et donc que je le détériore davantage. Je finis par devoir utiliser une clé à molette, la force de mes doigts étant devenue insuffisante. Avec une telle solution, que je finis par… casser le robinet! Je suis donc contraint de faire venir un plombier, pour remplacer complètement ce robinet alors qu’une petite intervention, entreprise à temps, m’aurait permis d’éviter. Malgré ma connaissance du fonctionnement d’un robinet, en reculant devant le coût d’un nouveau joint et le temps nécessaire à une intervention légère, je suis conduit, dans l’urgence, à procéder à des dépenses beaucoup plus importantes.
Telle est la situation devant laquelle se trouve l’humanité. L’enjeu démocratique majeur –notamment– est alors celui de la légitimité de mesures radicales, vitales, qu’il est crucial de prendre. Et ces mesures doivent être prises pour éviter les catastrophes, sur base de la conscience que l’on en a, avant même qu’elles ne soient massivement là et qu’il soit trop tard.
«Les méchants ont sans doute découvert quelque chose que les bons ignorent». – Woody Allen
L’opposition au nucléaire comme source d’énergie a été pour moi fondatrice. Au moment de la vie où se construisent les options qui structurent une vie et lui donnent sa colonne vertébrale, le combat anti-nucléaire a bâti chez moi quelques convictions et vigilances que réactive l’actualité (fermeture des centrales en 2025)
J’entends aujourd’hui des arguments qui font montre de la même mauvaise foi, du même cynisme, de la même inconscience qu’il y a quarante ans. Ainsi, les médias parlent de peur et d’angoisse et d’une population que des porte-parole divers s’efforcent de rassurer. Prenons cela comme point de départ pour en démonter la logique fallacieuse.
Selon ce discours, la peur serait du côté de la population ignorante, tandis que le savoir rassurant serait du côté des experts. Il serait démagogique de surfer sur cette peur pour relancer le débat contre l’option nucléaire et la décision de fermeture progressive des centrales n’aurait été dictée que par des raisons idéologiques…
Démonter les logiques sous-jacentes
On le voit : du point de vue des partisans du nucléaire, la logique caricaturale argumentative se construit en une opposition binaire. Les anti-nucléaires seraient irrationnels et émotionnels, passéistes, surferaient avec démagogie sur des craintes non fondées, n’avanceraient que les arguments idéologiques, tandis que les pro-nucléaires seraient rationnels et guidés par l’expertise des scientifiques de pointe, le souci d’assurer de façon responsable et réaliste un approvisionnement énergétique nécessaire au progrès.
Anti- nucléaire
Pro-nucléaire
Irrationnel
Rationnel
Passéiste
Progressiste
Démagogique
Responsable
Idéologique
Réaliste
…
…
Si l’on veut pouvoir penser et agir aujourd’hui, c’est très précisément ce cadre implicite qu’il s’agit d’identifier, de contester et de refuser. Mais il s’agit surtout de bien voir qu’il peut être retourné, point par point. Les analyses et les propositions des écologistes montrent qu’il est irresponsable, irrationnel et intenable de conserver au nucléaire la place occupée aujourd’hui dans la production d’électricité et qu’une politique d’avenir se doit de tourner le dos à ce choix historique.
Des experts s’approprient le débat.
Il y a d’autres choses encore. Le recours à des experts pour expliquer ce qui se passe contribue à faire de l’option nucléaire une affaire de haute technicité, limitant les discussions à une sphère extrêmement réduite de spécialistes. Ce recours à l’expertise de techniciens (on va procéder à des crash tests…) infantilise une opinion publique. Ne rassure-t-on un enfant pour qu’il s’endorme et pour que les adultes puissent s’occuper des choses grandes personnes ?
On ne fait pas appel à la responsabilité et à l’intelligence citoyennes et le débat politique démocratique se voit exproprié d’un sujet fondamental : les orientations prioritaires de notre avenir collectif.
Aujourd’hui la question n’est donc pas «Faut-il sortir ou non du nucléaire ?» mais plutôt «Comment s’agit-il de réorganiser nos modes de vie et de vivre ensemble sur cette planète pour pouvoir sortir au plus tôt du nucléaire, tout en gérant, pendant des centaines, voire des milliers d’années, les conséquences des options énergétiques prises dans les années soixante et septante?».
Seuls de vastes débats démocratiques et une pédagogie des enjeux peuvent construire un contrepoids suffisant pour soutenir des décisions politiques courageuses, qui devront aller résolument à l’encontre des intérêts financiers, industriels et géopolitiques qui sont en jeu.
Gérard Pirotton Dans les suites de Fukushima – 17 mars 2011
Bart de Wever veut un scrutin majoritaire? (Annonce RTBF, 20 sept 2020).
Contextualisons. Bien sûr, il ne faut pas sous-estimer la dimension tactique. Etre le parti majoritaire dans la population majoritaire du pays, cela ne se refuse pas! Mais prenons davantage de hauteur encore en faisant un peu de droit constitutionnel et en mettant en évidence qu’un scrutin peut avoir au moins deux objectifs différents. Dans le premier cas, il vise à obtenir une assemblée parlementaire qui soit à l’image des différentes sensibilités présentes dans le chef des électeurs/trices. Ici, le parlement est à l’image de la diversité qui compose le pays concerné. Ce scrutin est dit «proportionnel». La difficulté est alors de composer un exécutif qui soit nécessairement le fruit d’une négociation entre quelques-unes des composantes de cette diversité. Dans le second cas, le scrutin vise à avoir un exécutif qui dispose d’une majorité large et stable devant l’assemblée, sa représentativité est donc secondaire par rapport à la lisibilité et la solidité qu’il permet de dégager. Les nécessaires «compromis» se font au sein des formations politiques qui se présentent au suffrage, chacune d’elles ambitionnant de gouverner seule. Ce scrutin est dit «majoritaire». Les Etats-Unis ou la France sont des exemples de scrutins majoritaires. Une expression rend compte de ce système : «The winner takes all» – le vainqueur emporte la mise. La Belgique, la Suisse, le Danemark… sont des pays dits «consociatifs», c-à-d pétris de diverses sensibilités qui trouvent à s’exprimer dans des groupes, des organismes, des associations et… des partis politiques et un système conséquent. Le scrutin proportionnel qui y prévaut est cohérent avec la coexistence de ces diversités. Au-delà de l’avantage électoral recherché et de la nécessité où il est d’exister à côté d’un Belang envahissant, la référence au scrutin majoritaire de Bart de Wever est donc en rupture avec le caractère «consociatif» de la Belgique. En cela il est aligné sur les invariants de son programme. D’une part, la Belgique dans son ancien fonctionnement n’existe plus et les choses sont bien gérées quand les Flamands seuls décident pour les seuls Flamands. D’autre part, selon lui, il existe un peuple flamand, unanime, dont il est l’incarnation et l’expression, («Je vous comprends, je vous écoute, je parle en votre nom parce que je vous connais…»), sans la médiation que représentent les différents corps intermédiaires. Concluons. Pour les démocrates, l’enjeu crucial est de faire apparaître les diversités et les tensions qui caractérisent les habitants de Flandre et la nécessité d’un système politique qui soit à l’image de cette diversité.
A celles et ceux qui pensent que 20 %, ce n’est pas beaucoup, parce qu’il reste encore une disponibilité de 80%… Reprenons cette allégorie. Un étang sera totalement mort si les nénuphars recouvrent toute sa surface et empêchent donc la lumière de passer… Sachant que la surface couverte par les nénuphars double chaque jour, quel est de dernier moment pour agir ? – Vous avez trouvé ? – La réponse est: « Avant que les nénuphars n’aient couvert la moitié de la surface de l’étang« . Faute de cette intervention, l’étang sera mort le lendemain… A méditer…