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Pargerardpirotton

Lettre Ouverte à Johann Chapoutot

Lettre Ouverte à Johann Chapoutot

À propos de son essai, co-écrit avec Dominique Bourg : « Chaque geste compte », Manifeste contre l’impuissance publique, Gallimard, Paris, 2022.

Cher monsieur Chapoutot,

 

J’ai eu l’occasion de vous entendre dans l’émission de Mathieu Vidard, « la Terre au carré », diffusée sur France-Inter ce 13 novembre 2023 et je vous en remercie.

Je voudrais tout d’abord commencer par cette affirmation préliminaire : je suis entièrement d’accord avec vous ! J’admire votre travail. Durant plus de 25 ans, j’ai donné des cours de sociologie des organisations à des cadres et des futurs cadres du secteur non-marchand. J’ai quelquefois rencontré de la fascination pour l’efficacité prêtée aux pratiques managériales du privé ! Vos travaux m’ont régulièrement permis de répondre à ces interpellations, en insistant au contraire sur la nécessaire cohérence à construire et entretenir, avec vigilance, entre les aspirations du secteur non-marchand et les pratiques d’organisation du travail à mettre en œuvre. Merci pour cela, aussi. « Manifeste contre l’impuissance publique » est aussi dans ma pile des lectures en attente…

 

Si je me permets d’insister sur ce point, ce n’est pas par flagornerie, mais pour que nous puissions considérer comme point de départ notre accord sur le fond de ce que vous avez avancé. Je rejoins aussi l’énergie d’indignation que vous avez manifestée. Les nécessaires changements ne sont pas là : c’est affolant et scandaleux.

Cela étant dit, allons plus loin, en réfléchissant cette fois en des termes stratégiques : cette manière de s’exprimer suscite-t-elle les effets attendus ? En divers endroits, le ton que vous avez utilisé est celui du mépris à l’égard des acteurs qui font la décision politique, singulièrement en France. On peut certes y voir une réponse au mépris si souvent affiché par le sommet de l’État français à l’égard, notamment, de celles et ceux qui alertent sur l’état de la planète. On pourrait s‘attarder sur ce mépris : mais faisons court. C’est en réalité une arme à double tranchant, une arme susceptible de blesser tout autant celui qui s’en sert que celui qu’elle vise, selon l’adage : « D’abord, je vous traite comme j’aimerais être traité par vous, ensuite je vous traite comme vous-même l’aurez fait avec moi ».

Mais on peut aussi lire cette attitude comme votre réponse à cette question en apparence toute simple : pourquoi les décideurs politiques ne comprennent-ils pas ce que disent les scientifiques ? Et votre réponse est celle-ci : parce qu’ils sont bêtes ! Ah, bien sûr, cela nous fait plaisir. Mais admettons tout de même que d’autres réponses sont envisageables. Pour ma part, je propose celle-ci : si les politiques n’entendent pas les signaux scientifiques, c’est précisément parce qu’il s’agit de signaux scientifiques et non de signaux politiques ! Développons.

La plupart des scientifiques estiment que leur rôle consiste, pour l’essentiel, à « dire les faits ». Au mieux, ils en dégagent quelques préconisations. C’est là, proposait Bruno Latour, une des interprétations possibles du film « Don’t Look Up ! » Dans cette fiction métaphorique, les scientifiques pensent que leur responsabilité ne va pas au-delà et qu’ils ont fait le job en se limitant à exposer les faits.

Ayons ici recours à un élément d’histoire. (1) En 1971, âgé alors de 29 ans, Denis Meadows est invité à faire une présentation d’une version intermédiaire de son futur rapport, devant une délégation du Club de Rome, commanditaire de cette étude. Il est sidéré par l’incompréhension qu’il constate chez ses interlocuteurs de notions, pourtant élémentaires à ses yeux, comme la différence entre progression linéaire et progression exponentielle. On demande alors aux chercheurs de rendre pédagogiquement plus explicites les notions utilisées. C’est Donella Meadows qui se charge de cette rédaction. A la lecture de cette nouvelle version, Aurélio Peccei, un des fondateurs du Club de Rome, ce serait alors écrié : « C’est cela que je veux, pas un rapport scientifique ». On le saura donc, Donella Meadows est bien l’autrice du « Rapport Meadows ». Dès lors, si des capitaines d’industrie, comme ceux qui constituaient cette délégation, étaient incapables de comprendre ces notions, que dire alors de publics plus larges ?

Le savoir ne conduit pas à l’action

S’il est une leçon à tirer de tout cela, c’est qu’il nous faut renoncer à la croyance, je souligne le terme, cette croyance qui est un implicite nécessaire à tout exposé scientifiquement argumenté : « Si ils et elles comprennent, ils et elles agiront en conséquence. » Or, les travaux en sciences cognitives l’ont abondamment montré, ce n’est pas la compréhension rationnelle qui est le moteur de l’action, mais d’autres ressorts de la cognition humaine. Nous sommes des scientifiques : écoutons donc ce que disent les scientifiques… des sciences cognitives et de la communication. (2)

Cette croyance selon laquelle le savoir conduirait à l’action est contestée depuis des dizaines d’années par les travaux en psychologie sociale et d’autres sciences sociales (pensons notamment à la réduction de la dissonance cognitive). De plus, comme le note aussi Thierry Liebaert, (3) avec une certaine ironie, on peut aussi constater une corrélation entre d’une part le niveau d’éducation et d’information et d’autre part le fait d’avoir des comportements et modes de vie dommageables pour le climat et la biodiversité. 

Si l’on veut permettre aux opinions publiques de s’approprier des discours scientifiques (tout le monde n’a pas fait « Bac+5 »), il s’agit donc de le faire dans des termes qui ne nécessitent pas, pour les comprendre, la maîtrise de compétences dont l’acquisition exige des années de travail. Mais il s’agit plus encore de le faire dans des termes susceptibles de susciter l’adhésion la plus large.

Des signaux politiques

Reprenons donc notre question, autant que la réponse que je propose de lui donner : pourquoi les décideurs politiques ne comprennent-ils pas ce que disent les scientifiques ? Réponse, parce qu’un énoncé scientifique n’est pas un signal politique. Le signal politique, c’est celui qui est donné par le résultat des élections.

En continuant à argumenter sur la seule base de données scientifiques, nous ne toucherons au mieux qu’une dizaine de pourcent de la population ce qui, singulièrement dans un système électoral majoritaire, ne constitue pas une masse critique suffisante pour constituer un signal politique qui puisse être entendu et peser en conséquence.

En continuant à argumenter sur la seule base de données scientifiques, nous négligeons les leçons d’autres études scientifiques qui l’affirment : lorsque les faits viennent contredire des cadres de pensée, ces cadres sont maintenus et les faits sont ignorés. Ainsi que l’affirme le cognitivo-linguiste George Lakoff : « Croire que les gens abandonneront leurs croyances irrationnelles face à la force des preuves qui leur sont présentées est elle-même une croyance irrationnelle, non étayée par des preuves. »

En continuant à argumenter sur la seule base de données scientifiques, nous aurons sans doute la satisfaction de nous draper dans la certitude d’avoir raison ; mais cette cape revient, pragmatiquement, à nous rendre invisibles aux yeux de celles et ceux qui partagent d’autres repères que les nôtres.

 

Cher Monsieur Chapoutot, j’espère avoir pu vous intéresser. Je serai ravi de poursuivre cet échange avec vous, sous quelque forme que ce soit.

Soyez assuré de mon admiration pour votre travail.

Au plaisir de vous lire et de vous entendre.

Gérard Pirotton

 

(1) Voir notamment:   https://gerardpirotton.be/parler-du-climat

(2)   https://etopia.be/blog/2022/09/27/le-petit-lakoff-sans-peine

(3)   LIBAERT Thierry, (2020), « Des vents porteurs. Comment mobiliser (enfin) pour la planète », le Pommier, Paris)

Pargerardpirotton

Parler du climat. Vigilances et responsabilités

Pour être compris et faire adhérer

Journalistes et scientifiques parlent du climat

La responsabilité des professionnel·les des médias et des scientifiques est radicalement engagée dans ce qui est tout de même l’enjeu vital de ce XXIe siècle. Nous le savons, à ce rythme, la planète ne sera bientôt plus habitable. Oui, mais dans cette phrase, que signifie exactement « savoir » ? Et « nous », finalement, c’est qui ?

 Les scientifiques invité·es à intervenir dans les médias sont inévitablement confronté·es à ce dilemme : s’exprimer d’une manière scientifiquement vigilante, au risque de ne pas être compris, ou privilégier au contraire le souci pédagogique, au risque de perdre de la crédibilité, par manque de rigueur. Ce dilemme est paralysant.

 Une récente séquence de « Déclic » (1), (30/08/2023), l’émission RTBF de début de soirée, animée par Julie Morelle, recevait deux experts : le climatologue François Massonnet (UCL/FNRS) ainsi que Rafiq Hamdi (Chef de l’Unité « Modélisation du climat et études d’impact » à l’IRM). Cette séquence en est une bonne illustration : on se livre ici à un décodage, sous un angle précis : l’approche cognitive du langage et spécifiquement la notion de « frame » (2). Décryptages et analyses d’exemples, propositions concrètes, et surtout un appel : l’urgence de réfléchir et de se former.

Dès l’introduction du sujet, Julie Morelle fournit de la matière pour un tel décryptage. Après un florilège de titres de journaux télévisés des semaines écoulées, rappelant les températures affolantes de l’été (les fameux « records », comme s’il s’agissait d’un exaltante compétition sportive !) et les inimaginables étendues de forêts détruites (plus que la superficie de la Grèce, tout de même), la journaliste s’excuse et dit en substance :

JM :     « C’est anxiogène, ce rappel de toutes ces infos, je le reconnais. Mais on va essayer de décoder tout cela avec deux chercheurs ».

 

Quel est le « frame », c-à-d quelles sont les évidences implicites, les repères sous-jacents, les « lunettes cognitives » mobilisées par la journaliste et à travers lesquelles elle invite son auditoire à concevoir le problème ?

On peut y répondre très schématiquement : les émotions doivent être contrôlées par la raison. On reconnaîtra sans difficulté l’héritage cartésien sur lequel s’appuie cette distinction.

Or, ainsi que l’ont montré les travaux d’Antonio Damasio notamment, on sait aujourd’hui que le fonctionnement normal du cerveau intègre raison et émotion : la séparation entre les deux représente précisément « l’erreur de Descartes ». (3) « Écoutez les scientifiques » proclamait Greta Tunberg. C’est précisément ce qu’il y a lieu de faire. On sait aujourd’hui scientifiquement que nos cerveaux ne procèdent pas de la manière rationnelle, telle qu’idéalisée par Descartes… au XVIIe siècle ! Depuis lors, nous avons appris beaucoup sur le cerveau !

Qu’est-ce que la science

JM :     François Massonnet, les climatologues eux-mêmes ont été surpris par l’ampleur des événements.

 

Quel est ici l’implicite ? Réponse : la science consiste à établir des liens nécessaires et bien élucidés entre des effets et des causes. Ce qui s’est passé cet été n’a pu être précisément prévu, la science a donc des limites, elle ne sait pas tout.

Or, la recherche scientifique aujourd’hui consiste à établir des liens entre variables, qui interagissent entre elles de manière systémique, avec des effets de seuil, des covariances, des boucles de rétroactions, ainsi qu’y insistera très justement Hélène Maquet, en fin de séquence. Sur cette base, un discours scientifique sérieux aujourd’hui présente davantage ses travaux comme des probabilités d’apparition d’événements, une probabilité qui peut être mesurée et chiffrée. Cette incompréhension s’exprimait déjà dans les réactions qu’a suscitées la publication du « Rapport Meadows », en… 1972 ! Formulons cela par un exemple.

       –  Le tabagisme est fortement corrélé à des cancers. (Probabilité)

       –  « Oui mais moi, docteur, quand dois-je précisément m’arrêter de fumer, pour éviter un cancer des poumons ou du larynx ? » (Causalité linéaire)

On mesure ici l’étroitesse de ce questionnement.

Les faits, rien que les faits… ou pas !

FM :     Pour contrecarrer les distorsions entre ce que l’on ressent, ce dont on a le souvenir et la réalité, il faut revenir aux chiffres et conclure que la situation est alarmante à tous points de vue.

RH :     Depuis 1892, c’est la première fois que les températures nocturnes n’étaient pas en dessous de 10°C. C’est le 6ème été le plus chaud depuis 1833, même si on ne l’a pas ressenti. Il faut regarder les chiffres.

Quel est ici ce que n’est quasi même plus implicite ? La réalité est celle qui est appréhendée par des instruments objectifs et non par nos perceptions et les souvenirs que nous en avons.

Si nous abordons les choses en des termes interactionnels, affirmer « Ce sont les chiffres qui ont raison et non vos impressions », revient à prendre, par rapport à notre interlocuteur·rice une position de supériorité qui se formulerait ainsi : « Mes instruments me permettent de savoir, tandis que vos sens vous trompent ; je sais, vous ne savez pas ; j’ai raison, vous avez tort… », ce qui, reconnaissons-le, n’est pas la meilleure manière d’entrer en relation avec l’autre, surtout si l’on souhaite être écouté !

Or, comme les psychologues sociaux le savent depuis les années ‘60, le mécanisme appelé « réduction de la dissonance cognitive » montre que ce n’est pas un fait avéré qui est à même de faire bouger une croyance. Et Lakoff d’affirmer : « Croire que les gens abandonneront leurs croyances irrationnelles face à la force des preuves qui leur sont présentées est elle-même une croyance irrationnelle, non étayée par des preuves. » Dès lors, s’obstiner à présenter des faits comme tentative -désespérée- pour faire changer quelqu’un d’opinion consiste précisément à croire quelque chose… que les faits démentent !

Alerter sans cesse, oui, mais…

JM :     On n’est plus surpris par l’usage régulier de termes comme vagues de chaleur, dômes de chaleur…

FM :     Ces termes ne figurent pas dans les manuels de météorologie classiques. Ce sont des termes qui vulgarisent les questions de climat sur les réseaux sociaux. Ce n’est pas faux pour autant. L’image d’une cloche qui emprisonne des millions de gens est parlante. On fait ainsi rentrer ces épisodes qui restent extrêmes, dans une forme de normalité. Le changement climatique, autrefois exceptionnel, est devenu une norme.

Quel est ici l’implicite ? Réponse : on finit par s’habituer à quelque chose d’anormal, à tenir pour normal ce qui, jusqu’il y a peu, était considéré comme anormal. Et si c’est devenu normal, ce n’est donc pas/plus grave.

C’est pourtant bien vu. La répétition de l’information sur la scène médiatique (« Au loup ! ») produit cet effet d’habituation/normalisation, qui atténue dès lors la possibilité, toute relative d’ailleurs, de susciter la conscience de la nécessité d’une action. On se souvient de cette fable d’une grenouille, plongée dans une casserole qui se réchauffe peu à peu. Elle ne s’affole pas du tout de ces changements, en raison de la répétition même de changements qu’elle ne perçoit pas.

Réchauffement ? Plus jamais !

JM :     Ce que disent nos perceptions, c’est que les situations sont très contrastées dans un endroit ou l’autre de la planète, et même d’un endroit à l’autre du pays. C’est cela qui est compliqué quand on parle de réchauffement. Quand on dit 1,5°C, 2°C… qu’est-ce que ça veut dire, concrètement pour moi qui habite à Arlon, pour moi qui habite dans le centre de Bruxelles ? Si l’on réussit à ne pas dépasser le seuil d’1,5°C, cela représente beaucoup plus, 4°C dans une ville comme Bruxelles, par exemple. Expliquez-nous ça.

Commentaires. Le terme même de réchauffement est problématique à plus d’un titre. Ainsi, il est associé, anthropologiquement, à cette structure cognitive, schématique et imagée qui se formule ainsi « L’AFFECTION-C’EST-DE-LA-CHALEUR » (4)

Dès lors, loin de susciter la nécessité d’une action face à une situation inquiétante, il évoque tout au contraire l’affection et le réconfort. Il s’agit donc d’un terme à proscrire radicalement, dans toute tentative de vulgarisation de ces enjeux. Ce terme de réchauffement évoque aussi cette image de l’élévation progressive de la température d’une casserole sur le feu. (Oui, l’image de la grenouille qui s’y habitue, sans inquiéter…) Ce terme renvoie aussi à la notion de moyenne, notion mathématique élaborée et peu accessible. Il donne enfin l’image d’une fausse distribution de cette augmentation, alors que les dérèglements se manifestent par l’augmentation des événements météorologiques extrêmes, comme des canicules, de méga-feux, des pluies torrentielles et des inondations meurtrières. Conclusion opérationnelle : proscrire définitivement l’emploi de ce terme !

En moyenne, le savoir ne mène pas à l’action !

RH       Les modèles dont on dispose et sur lesquels s’appuient les rapports du GIEC sont des modèles globaux. Nous avons développé une méthode qui permet donc d’anticiper les impacts, par exemple sur une ville comme Bruxelles. Nous avons fait une « descente d’échelle ». Cette étude montre que 1,5 à 2°C « global », cela veut dire 3,6 à 4,1°C en moyenne. On dépasse donc largement les accords de Paris. On a aussi essayé d’évaluer l’impact sur le nombre de vagues de chaleur. Si on passe de 1,5 à 2°C, cela veut dire augmentation de 29 % des vagues de chaleur. Mais si on arrivait à un réchauffement global de 3°C, cela donnerait une augmentation de 158 % des vagues de chaleur. Vous voyez que ce n’est pas linéaire.

Cette dernière affirmation présuppose, pour être comprise, des compétences mathématiques dont sont bien loin de disposer nombre d’auditeurs et d’auditrices. C’est le moment de rappeler ceci. En 1971, alors âgé de 29ans, Denis Meadows est invité à faire une présentation d’une version intermédiaire de son rapport devant une délégation du Club de Rome. Il est alors sidéré par l’incompréhension qu’il constate chez ses interlocuteurs. Des choses, pourtant élémentaires à ses yeux, comme la différence entre une progression linéaire et progression exponentielle, ne sont pas comprises. On leur demande alors de rendre pédagogiquement plus explicites les notions qu’ils utilisent : c’est Donella Meadows qui s’en charge. A la lecture de cette nouvelle version, Aurélio Peccei, un des fondateurs du Club de Rome, ce serait alors écrié : « C’est cela que je veux, pas un rapport scientifique ». On notera donc que c’est bien Donella Meadows qui est l’autrice du « Rapport Meadows » ! (5)  Si des capitaines d’industrie, comme ceux qui constituaient cette délégation, étaient incapables de comprendre ces notions, que dire alors de publics plus larges, politiques compris ?

S’il est une leçon à tirer de tout cela, c’est qu’il nous faut renoncer à la croyance, implicite nécessaire à tout exposé scientifiquement argumenté et pourtant démentie par les faits : « Si ils et elles comprennent, ils et elles agiront en conséquence. » Rien n’est pourtant plus faux, comme le montrent 50 années d’appel à la prise en compte des limites planétaires.

Hélène Maquet : Peut-on zoomer davantage, par quartier ? Des quartiers peu de verdurisés ou fortement bétonnés sont-ils différents de quartiers plus verdurisés ?

RH :     Pour l’instant, nous pouvons avoir une précision d’un Km. Avec cette mesure, on peut voir la différence entre le centre-ville et la périphérie entre ces deux, il y a 2°. C’est ce que l’on appelle l’îlot de chaleur urbain.

JM :     Donc, si l’on habite à Rhode-Saint-Genèse ou rue d’Ansaert, on a 2°C de différence.

RH :     Oui, 2°C de différence, en moyenne. Mais ce que l’on a vu, c’est que, même avec des changements globaux, ces 2°C restent les mêmes, ça ne change pas beaucoup.

Quel est l’implicite dans cette question, outre le fait que le revenu moyen par habitant de ces deux communes prises en exemple est corrélé à des impacts différenciés des dérèglements climatiques ? Ici, à nouveau, l’élévation des températures reste appréhendée comme une moyenne, avec tous les effets de mécompréhension dénoncés plus haut, puisque cette notion occulte, notamment, l’existence d’épisodes extrêmes.

La science : prédire ou chercher, savoir ou douter ?

JM :   Une question importante, ce sont les causes. Partout, on évoque le réchauffement climatique pour parler de la sécheresse, les incendies, il n’y a pas vraiment de doute là-dessus, on le voit, les températures augmentent. Maintenant, vous dites que les effets dynamiques et systémiques de tout cela restent encore difficiles à comprendre.

FM :  Cela peut paraître paradoxal. Quand on fait de l’attribution au niveau global, il n’y a aucun doute sur l’augmentation en fréquence et en intensité de phénomènes météorologiques extrêmes. Ces vagues de chaleur sont liées au changement climatique. Mais si tôt que l’on plonge dans une région particulière et dans des échelles de temps un peu plus courtes, cela devient plus compliqué. (…)

Ici, nous avons autre chose, qui concerne le statut même de la science, ce qui nécessite de faire clairement et explicitement la différence entre le processus de recherche et le statut des discours qui rendent compte de ses résultats. Il est légitime que les disciplines scientifiques identifient des champs de recherche dans lesquels la connaissance doit encore avancer. La posture scientifique consiste précisément à affirmer que beaucoup de choses restent à comprendre. En revanche, exposer cela dans le cadre d’une telle émission pose un autre problème, que l’on pourrait illustrer ainsi. De la part de la journaliste, poser une telle question à un spécialiste de la modélisation de l’IRM ou à un spécialiste de la prédictibilité et de la variabilité du climat pourrait se comparer à poser la question suivante à un expert de l’IBSR.

  –  « Nous sommes dans une voiture lancée à pleine vitesse. Devant, il y a un mur, chronique d’un crash annoncé.

  –  « Oui, mais moi, concrètement, si je suis sur la banquette arrière, derrière de conducteur, quels sont précisément les os qui vont être brisés ? Etes-vous êtes capables de le prédire avec précision ?

    – « Non ? Alors, attendons que la science soit capable de le découvrir avec certitude ! »

Soucieux de se montrer scientifique/chercheur, de décrire l’objet de ses recherches, le climatologue vient alors lui-même alimenter ce doute sur la fiabilité des discours scientifiques, tel qu’induit par la question même que lui adresse Julie Morelle.

C’est assez précisément ce que viennent confirmer les derniers échanges entre le climatologue et la journaliste.

FM :  On sait qu’il y a une augmentation différenciée de la température en Arctique par rapport au reste du monde. C’est ce qu’on appelle l’amplification Arctique. Mais il y a aussi une grosse influence des tropiques. L’amplification des températures en altitude dans les tropiques, à l’équateur a tendance à renforcer et non pas à ralentir les vents d’ouest. Et donc, on a ce que l’on appelle un tir à la corde entre deux régions, L’Arctique et les tropiques, dont l’issue reste incertaine.

JM :   On apprend qu’il y a donc encore beaucoup de choses à apprendre et à découvrir dans ce domaine des sciences de l’environnement.

Forçons le trait : « Vous reviendrez lorsque vous aurez à nous dire des choses avérées, prouvées ». Or, on l’a déjà noté plus haut, faire de la science aujourd’hui se situe dans une tout autre épistémologie que ce qu’implicite la réaction de la journaliste, pour qui la science se devrait d’élucider des liens déterministes entre causes et effets. Par conséquent, toutes ses questions qui prennent appui sur cette conception de la validité des discours scientifiques renvoient les auditeurs et auditrices à une conception de la science telle qu’elle se pratiquait aux XVIIIème et XIXème siècles. Cela ne contribue donc pas à l’éducation scientifique des auditrices et auditeurs et les conduit à attendre des discours scientifiques sérieux ce qu’ils ne peuvent produire.

Systémique et probabilités : l’urgence de réfléchir à comment en parler

En fin de séquence, c’est précisément à cette interpellation que se livre Hélène Maquet, l’autre journaliste présente sur le plateau. Dans son « billet », elle décrit les difficultés de la circulation des bateaux de marchandises au canal de Panama. Elle explique ce que sont les dysfonctionnements observés (spécifiquement l’eau douce manquante, pour assurer le fonctionnement des écluses). Construit il y a plus d’un siècle, dans tout autre contexte climatique que celui que nous connaissons aujourd’hui, le canal de Panama illustre donc un des effets peu prévisible des bouleversements climatiques. En conclusion de sa chronique, elle explique en substance :

HM :    Les perturbations du climat n’ont pas des effets linéaires. Ce cas est emblématique. Il nous pousse à réfléchir différemment, à déplier notre intelligence d’une nouvelle manière, si nous voulons comprendre ces enjeux actuels. Ce cas montre que nous avons affaire à des causes imbriquées, historiques, multiples, dynamiques en termes de temporalité et combien aussi, en réalité, les causes se déclinent en cascade et dans des directions différentes. Ainsi par exemple, des impacts sur le commerce mondial. Le cas emblématique du canal de Panama est comme nombre d’événements d’aujourd’hui. Il nous pousse à penser de manière concentrique, arborescente et non plus de manière linéaire : une cause donne en effet. Aujourd’hui, nous devons apprendre à concevoir qu’une multiplicité de causes imbriquées peuvent aboutir, ou pas, de manière incertaine, en cascade, qu’elles prendront des directions que l’on ne peut pas prévoir à 100%. Le cas du canal de Panama nous dit ceci : si nous voulons comprendre le monde, notre cerveau doit apprendre deux choses : penser en termes de système et accepter une part d’incertitude.

Voilà un magnifique plaidoyer pour cette révision de la pensée qui s’impose à nous… et aux professionnel·les de médias. Si l’on est conséquent avec l’élucidation d’Hélène Maquet, il faut donc cesser d’interroger des scientifiques sur base d’une conception désormais dépassée de la science (qui la restreint à l’élucidation des liens mécaniques, déterministes entre causes et conséquences bien circonscrites) mais davantage mettre en lumière la complexité, la non linéarité, l’approche probabiliste… avec toutes les difficultés du « wording » que cela rencontre, si l’on veut présenter cette approche de manière intelligible. (6)

Le défi est immense, reconnaissons-le. Lakoff parle, à ce propos, d’hypo-cognition. (7) Nous ne disposons pas, affirme-t-il, de manière quasi désespérée, des instruments cognitifs pour appréhender cette complexité, tant les langues indo-européennes sont marquées par l’approche causaliste, celle qui est certes pertinente dans l’univers des objets du monde physique, (comme des chocs entre boules de billard) mais si dramatiquement inappropriée, quand il s’agit du complexe, du vivant, nécessairement marqués d’imprévisibilité. (8)

Oui mais concrètement ?

Journalistes, obligeons-nous à n’interpeller les scientifiques qu’avec des questions informées sur ce qu’est une démarche scientifique aujourd’hui et non sur base des fondements épistémologiques qui présidaient ou 18e et 19e siècle ! Cessons de parler de climat en termes de température puisque cette approche induit la confusion entre climat (cette notion mathématique qu’est une moyenne) et la météo (la température ressentie ici et maintenant). Dans le même esprit, bannissons de notre vocabulaire les termes de changement ou de réchauffement climatique pour privilégier d’autres termes comme dérèglement bouleversements défi climatique.

Scientifique du climat, biologistes, écoutez ce que les scientifiques de la cognition et de la communication ont à vous dire. Parlez en visant la rigueur mais pour ne pas être compris ou pire alimenter un scepticisme qui n’a vraiment pas besoin de cela produit donc des effets délétères non seulement sur la compréhension des enjeux mais surtout sur l’urgence sur l’importance et sur la légitimité de prendre des mesures radicales de réorganisation de nos sociétés et d’y adhérer.

La responsabilité historique des professionnel·les des médias et des scientifiques est hautement engagée. Le travail précurseur du «Guardian», salué de toutes parts, trouve un écho francophone dans la « Charte pour un journalisme à la hauteur de l’urgence climatique ». (9) En Belgique francophone, une Carte Blanche de scientifiques du climat et de la biodiversité en a récemment appelé à cette même nécessité. (10)

Les mots pour le dire

Ce défi est loin de s’adresser aux seul·es professionnel·les des médias et des scientifiques du climat. Il concerne également le monde associatif, qui prend en charge le plaidoyer sur ces questions, les enseignant·es de toutes disciplines, qui veulent enrichir leurs cours en y incorporant de quoi réfléchir à cet enjeu majeur du siècle…

Mais il concerne aussi la recherche scientifique en sciences humaines, et les différentes déclinaisons, fondamentales et opérationnelles, des travaux en approches cognitives. Avec quels mots parler de ces sujets ? Ce n’est pas une question d’opinion : cela peut faire l’objet d’études sérieuses, dont nous manquons cruellement. C’est pourtant une question vitale : se faire comprendre et faire adhérer à la légitimité des mesures structurelles et justes, que l’on tarde tant à prendre.

Jamais sans doute cette phrase, que l’on prête à Albert Camus, n’aura été aussi pertinente :

« Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. »

REFERENCES.

(1) https://auvio.rtbf.be/media/declic-l-emission-radio-declic-3076406. = 26:40 à 38:50

(2) LAKOFF, George, (2008), « The Political Mind, A Cognitive Scientist’s Guide to Your Brain and Its Politics », Penguin Books, New York.

(3) Antonio DAMASIO, (2001), « L’Erreur de Descartes. La raison des émotions », Odile Jacob, Paris. (1994, pour l’Ed. Orig.)

(4) LAKOFF George, JOHNSON Mark(1985), « Les métaphores dans la vie quotidienne », Ed de Minuit, Paris. (1980/2003, pour Ed. Orig. et rééd. actualisée)

Pour le développement de cette idée : Gérard PIROTTON, (2022), « Mieux parler des enjeux de climat et biodiversité. Le « petit Lakoff » sans peine !
(5) Nouvel Obs. 

(6) Communications et métaphores

(7) Hypocognition

(8) Des chiens ou du billard

(9) Journalisme à la hauteur de l’urgence

(10) Carte Blanche Le Soir

 

Pargerardpirotton

Covid, artifices, médias, démocratie

Feux d'artifice de virus

Covid, artifice, médias et démocratie

 

Un schéma devenu habituel

L’avez-vous remarqué également ? Le schéma se répète : la présentation par les médias d’une mesure gouvernementale prend souvent la structure suivante. La décision est tout d’abord brièvement exposée, soit par un.e journaliste, soit par un.e ministre. Les auditeurs et téléspectateurs ont ensuite droit, pour évaluer cette mesure, à un « interview de terrain », présentant des personnes qui témoignent de la manière dont ils la vivent. Tel est le « pattern » régulièrement utilisé.

Prenons un exemple : l’interdiction des feux d’artifice, lors du réveillon de la Saint-Sylvestre. Après l’annonce factuelle de la mesure, les téléspectateurs ont droit à l’interview de la gérante d’un magasin spécialisé. Elle explique combien cette période des fêtes est cruciale pour son commerce. Elle affirme ne pas comprendre la mesure. Selon elle, les fusées sont utilisées en extérieur et elles nécessitent une distance de sécurité. Rien ne justifierait donc une interdiction. On la voit alors déambuler, seule dans son magasin, dont les rayons sont remplis de déguisements que personne n’est venu acheter. Qu’en retient le/la téléspectateur/trice assis dans son salon ? D’une part, le désarroi et l’incompréhension de cette commerçante et d’autre part la violence d’un gouvernement qui prend des décisions incohérentes et chaotiques, sans se soucier de leurs impacts sur « les gens ».

Qu’est-ce qui peut bien motiver ce type de traitement, où prévalent l’absence de toute explication et l’abord « compassionnel » du sujet ? Passons sur le fait que cette « coutume » des feux d’artifice est une horreur pour les animaux, ainsi réveillés en pleine nuit par un bruit insensé. L’explication de cette mesure n’est pourtant pas très compliquée, ni à présenter, ni à comprendre : chaque année, les services d’urgence voient débarquer des personnes blessées par des engins pyrotechniques qu’elles ont manipulés. S’agit-il vraiment de donner aux hôpitaux un tel surcroit de travail en plein Covid ?

Si le traitement compassionnel était vraiment pertinent (ce qui est à discuter et c’est d’ailleurs ce que l’on va faire), il aurait alors été plus adéquat d’interviewer un.e membre du personnel d’un service d’urgence d’un hôpital, témoignant de ce qui se passe chaque année à cette occasion, qu’ils/elles sont épuisé.es et débordée.es par la pandémie et n’ont vraiment pas besoin de cela en plus ! Ce n’est donc pas ce qui a été fait : pourquoi ?

 

L’arbre sans forêt

Le discours généralement tenu dans les écoles de communication et dans les rédactions souligne l’importance de rejoindre le public dans ce qui est susceptible de le toucher. Raconter une histoire, à hauteur d’hommes et de femmes de tous les jours, des personnes auxquelles il est possible de s’identifier, compte au nombre des moyens de mise en scène de l’information, au service de cette intention. On est convaincu qu’accrocher émotionnellement le/la téléspectateur/trice « Lambda » va piquer sa curiosité et susciter son intérêt. Rien n’est pourtant moins sûr. Par quelle magie en effet une identification à une personne présentée comme une héroïne de quotidien peut-elle conduire à une compréhension affinée d’un phénomène social ? Dans les faits, c’est bien sur la personne singulière prise en illustration que l’on met le focus et non sur la dimension plus globale et collective, dont il aurait pourtant fallu rendre compte. On active ainsi un mode de raisonnement bancal, quoique très largement répandu, qui consiste à généraliser la situation d’une personne à un ensemble, un peu comme si l’on pouvait comprendre la forêt en se focalisant sur un seul arbre.

Si comparaison n’est pas raison, une petite histoire reste toujours la bienvenue. Imaginons que quelqu’un raconte ceci. « Moi, je connais un médecin qui a engagé la femme d’un collègue comme sa secrétaire médicale et ce collègue a fait de même avec la femme du premier. Après le nombre de mois voulu, ils les ont licenciées toutes les deux, ce qui leur a donné à chacune le droit au chômage. Avec ça, elles se payent leurs fringues. Vous voyez bien que tous les chômeurs sont des profiteurs ! » Passons sur le chapelet de stéréotypes que cette histoire charrie, sur les femmes, les professions libérales… Retenons ici qu’elle met surtout en œuvre ce mécanisme de généralisation qui consiste à attribuer à un ensemble dont on ne connait rien ce que l’on prétend connaître à propos d’un seul élément de cet ensemble. Ce à quoi invite ce schéma récurrent, qui met en scène une personne du quotidien, c’est donc bien à un raisonnement bancal de généralisation abusive.adéquat

Le cœur a ses raisons.

Il y a des années, je donnais un cours sur les médias. J’avais donné aux étudiant.es des consignes pour procéder à une comparaison systématique entre le traitement de l’info par les JT de RTL et de la RTBF. J’avais invité une réalisatrice à venir commenter ensuite le résultat de leurs travaux. Je retiens cette déclaration de l’experte : « Je n’ai pas vu les infos, hier soir. Mais je suis sûre que pour couvrir cette histoire de rivière qui a débordé, la RTBF aura interviewé un hydrogéologue et RTL aura montré une ménagère qui nettoie des dégâts de l’inondation dans sa maison. » Et elle avait raison, c’était effectivement ainsi que le deux chaînes avaient choisi de traiter l’info. Aujourd’hui, on ne pourrait sans doute plus constater une telle différence. En sommes-nous arrivés à une « RTLisation » du traitement de l’information, comme résultat d’une concurrence entre les médias ? (1)

Un observateur avisé de l’évolution des médias utilise le terme d’ « émocratie », pour désigner notamment ce recours systématique à l’émotion pour traiter l’info. C’est la thèse que défend Jean-Jacques Jespers, qui fut tout à la fois professionnel des médias et professeur de journalisme. Il a récemment exposé cela dans un interview publié dans Alter-Echos. On pourrait rétorquer qu’un.e téléspectateur/trice hyper-sollicité.e nécessite, pour l’attirer, d’avoir recours à de tels moyens. Dans ce cas, le remède pourrait être pire que le mal, car il joue comme feedback amplificateur du problème qu’il est sensé affronter. Inviter à la compréhension des réalités sociales en ne présentant que des témoignages individuels est quelque peu contradictoire, dans la mesure où, cherchant à tenir compte d’une tendance à une centration sur l’individu, on l’encourage à s’y obstiner.

La mesure de toute politique

Cette manière de construire la présentation de l’information revient à donner raison à celles et ceux qui pensent que, parce qu’ils n’en comprennent pas les motivations, une décision prise par une autorité est forcément incohérente et vexatoire, surtout s’ils estiment être personnellement visés par cette mesure.

Une telle approche ne pêche pas seulement par le fait de ne se focaliser que sur le seul premier niveau de la « Grille d’Ardoino ». Elle invite surtout à n’évaluer la pertinence d’une politique qu’à l’aune des impacts qu’elle peut avoir sur la situation personnelle de chacun.e, considéré.e isolément de la complexité d’ensembles sociaux plus vastes. Alors que les médias devraient se donner une rigueur, à la hauteur de leurs responsabilités dans la qualité des arguments échangés dans l’espace public, (2) c’est au contraire cette dramatique réduction à l’individu qui est ainsi alimentée.

Pourtant, faire société ne suppose-t-il pas de se sentir partie prenante de vastes ensembles, auxquels je suis disposé.e aujourd’hui à contribuer, selon mes moyens, tandis que d’autres peuvent en bénéficier selon leurs besoins, tout autant que moi-même, le moment venu ? La légitimité de la sécurité sociale est fondée sur cette conception.

On peut donc se poser la question : comment peut-on encore faire société si l’ensemble dont je me sens solidaire finit par se restreindre… au seul moi-même !?

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(1) Voir sur ce site un article consacré à la manière dont les médias rendent compte des conflits sociaux

(2) On renvoie ici au sens tel que forgé par Jurgen Habermas. On en lira une présentation rapportée aux médias par Marc Lits